PARIS (Reuters) - Le Conseil d'Etat se prononcera vendredi sur un arrêté interdisant durant l'été l'accès aux plages de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) aux baigneurs portant des vêtements religieux, sur fond de polémique exacerbée autour du burkini.
La décision de la plus haute juridiction administrative, saisie en urgence par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), donnera des arguments de poids à l'une des deux parties dans la perspective de futurs contentieux devant les tribunaux administratifs.
Les associations prévoient en effet de contester tous les arrêtés similaires signés dans plusieurs dizaines de villes balnéaires, situées principalement dans le sud-est de la France et dirigées pour la plupart par des maires de droite.
La LDH et le CCIF qualifient de liberticides ces mesures que les communes justifient par le souci de maintenir l'ordre public dans un contexte toujours sensible, un peu plus d'un mois après l'attentat qui a fait 86 morts sur le front de mer de Nice.
Les avocats des associations ont tenté de démontrer que l'arrêté pris le 5 août à Villeneuve-Loubet portait une atteinte grave à une liberté fondamentale, condition sine qua non pour obtenir gain de cause lors d'une procédure de référé-liberté.
"Quoi qu'on puisse penser de ce signe religieux, il est l'expression d'une liberté qui n'est nullement une revendication identitaire", a dit l'avocat de la LDH, Patrice Spinosi, selon qui la liberté de conscience est en jeu dans ce dossier.
"UNE RÉGION FORTEMENT ÉPROUVÉE"
Il a souligné qu'il n'y avait pas à ses yeux de différence entre le voile et le burkini, une tenue de bain recouvrant l'essentiel du corps qui est devenue depuis plusieurs semaines l'objet d'un vaste débat, jusqu'au sein du gouvernement.
Selon lui, les arrêtés pris à Villeneuve-Loubet, Nice ou La Ciotat pourraient constituer le préalable à une interdiction plus générale du voile, à l'initiative des maires.
"Si la justice accepte cela, quelle sera la limite ? Ici la mer, demain la plage et après-demain la rue ?" a-t-il dit devant les trois juges du Conseil d'Etat.
Sefen Guez Guez, avocat du CCIF, a insisté sur le fait que l'arrêté de Villeneuve-Loubet était selon lui discriminatoire à l'égard des baigneuses de confession musulmanes, visées en priorité par la mairie.
Les débats ont également porté sur le risque ou non de troubles à l'ordre public provoqué par la présence sur les plages de femmes vêtues d'un burkini.
D'après l'avocat de Villeneuve-Loubet, François Pinatel, les burkinis étaient devenus "pléthoriques" avant le 5 août et contribuaient à crisper le climat "dans une région fortement éprouvée par les attentats".
Le maire Les Républicains de la commune, Lionnel Lucas, est le deuxième à avoir signé un tel arrêté, après celui de Cannes, qui a choisi fin juillet d'interdire les vêtements religieux sur ses plages.
Depuis, de nombreuses personnalités politiques se sont emparées de l'affaire, pour soutenir les maires, comme le Premier ministre Manuel Valls et une large partie de la droite, ou au contraire déplorer une forme de surenchère.
(Simon Carraud, édité par Emmanuel Jarry)