La Banque centrale européenne (BCE) s'apprête à donner jeudi un nouveau coup de pouce à une économie européenne toujours vulnérable et en proie aux doutes après l'élection du milliardaire américain Donald Trump, le Brexit et les risques politiques en Europe, selon des économistes.
L'agenda de la réunion de l'institution monétaire de Francfort (ouest) jeudi est chargé: ses gouverneurs détermineront les nouvelles prévisions économiques de la BCE, passeront en revue leurs outils de soutien à l'économie, et décideront -la plupart des économistes en sont convaincus- de prolonger les actuels achats massifs de titres de créances.
Il s'agit de l'une des mesures exceptionnelles mises en place par la BCE pour stimuler l'économie et l'inflation. Les taux d'intérêt, déjà à leur plus bas niveau historique, devraient de leur côté rester inchangés.
- Incertitudes politiques -
"Sur fond d'incertitudes politiques et économiques accrues, le président Mario Draghi semble prêt à annoncer une nouvelle extension de six mois du programme de rachats d'actifs de la BCE", qui doit normalement prendre fin en mars, déclare Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics, résumant l'avis du plus grand nombre d'experts.
Le week-end était politiquement chargé, avec en particulier le rejet en Italie d'un référendum constitutionnel qui a entraîné la démission du chef du gouvernement italien Matteo Renzi et laisse craindre une période d'instabilité dans la péninsule.
Les marchés ont toutefois réagi avec calme, ce qui ne fait pas forcément les affaires de Mario Draghi. Une réaction plus négative l'aurait aidé "à justifier une nouvelle extension" du programme de rachat de dettes, estime Carsten Bzreski d'ING (AS:INGA) Diba.
Au sein du conseil, certains gouverneurs -celui de la Bundesbank, Jens Weidmann, en premier chef- souhaitent un arrêt le plus tôt possible de ce programme controversé, qui selon eux a causé un relâchement des réformes et de la discipline budgétaire dans certains pays.
"Nous n'avons pas d'augmentation des incertitudes sur le marché mais nous avons une incertitude politique", qui aura sans doute une influence lors de la réunion, indique toutefois l'économiste à l'AFP.
Comme les marchés ont tendance à intégrer le pire scénario, "on a besoin que la BCE réaffirme son orientation", renchérit Gilles Moëc, économiste chez Bank of America Merrill Lynch.
Le patron de la BCE n'a de cesse de mettre en garde ces derniers temps contre les risques géopolitiques. Les événements récents montrent qu'ils sont devenus "la source d'incertitudes majeure pour les mois à venir", avait déclaré l'Italien lors d'une audition fin novembre devant le Parlement européen, en référence à la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne et à l'élection surprise de Trump, apôtre du protectionnisme.
L'Europe est confrontée à une montée du populisme. Si le candidat d’extrême-droite a échoué ce week-end à l'élection présidentielle en Autriche, d'autres scrutins à risque se profilent, notamment en France où la candidate du Front national Marine Le Pen est créditée de bonnes chances d'accéder au deuxième tour de la présidentielle l'an prochain.
- Prête à agir -
Depuis des mois, la BCE prépare les marchés à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire. Fin novembre encore, son chef a redit qu'elle continuait à se tenir prête à agir "si nécessaire" pour requinquer l'économie et l'inflation.
L'économie va, il est vrai, un peu mieux. Le chômage est descendu en octobre sous la barre symbolique des 10% pour la première depuis 5 ans, et la relance de l'activité industrielle semble s'affirmer comme en témoigne l'accélération du secteur manufacturier en novembre.
Mais avec un niveau de 0,6% en novembre, l'inflation reste très éloignée de l'objectif d'un taux légèrement inférieur à 2% de la BCE. Et au final, la croissance a stagné au troisième trimestre à 0,3%. Mario Draghi avait noté à la mi-novembre que la relance restait tributaire du soutien de la BCE.
Concrètement, les économistes s'attendent à un prolongement des rachats de dette publique ou privée jusqu'à septembre 2017. Grâce à ce programme, la BCE injecte chaque mois 80 milliards d'euros dans l'économie. Elle pourrait aussi assouplir les restrictions qu'elle s'impose pour acheter ces créances, afin éviter d'être à court de titres à acquérir sur le marché.