L'Etat a donné mardi son feu vert au premier parc pilote d'hydroliennes en France, au large de Cherbourg, mais cette technologie qui transforme les courants des marées en électricité demeure balbutiante et plusieurs industriels ont jeté l'éponge.
Baptisé Normandie Hydro, ce projet de sept hydroliennes de 16 mètres de diamètre, pour 2 MW de puissance chacune, doit voir le jour en 2019, à 3,5 km de Goury (Manche), selon le constructeur naval DCNS, son co-concepteur avec le géant de l'énergie EDF (PA:EDF). Ce parc à 112 millions d'euros dont environ 50 millions de subventions, doit produire l'équivalent de la consommation électrique annuelle de "10.000 à 13.000 personnes", a expliqué à l'AFP Thierry Kalanquin, le PDG de DCNS Energies.
Il s'agit d'une ferme "pilote" visant à expérimenter cette énergie en vue de lancer par la suite des fermes commerciales. On ignore par exemple aujourd'hui la fréquence de la maintenance nécessaire par 30 m de fond et donc son coût.
L'annonce peut sembler de bon augure pour cette technologie discrète (immergées, les hydroliennes sont invisibles et ne gênent pas la circulation des bateaux). Mais elle masque l'abandon du second parc qui devait voir le jour à côté de Normandie Hydro. Le groupe énergétique Engie (ex GDF Suez (PA:ENGIE)) a annoncé en janvier, et confirmé mardi à l'AFP, qu'il y renonçait.
Son fournisseur, General Electric (NYSE:GE), a décidé d'arrêter le développement de sa turbine hydrolienne.
En avril 2015, c'est le conglomérat allemand Siemens qui avait annoncé la vente de sa filiale hydrolienne Marine Current Turbines à Atlantis Turbines, filiale du groupe britannique Atlantis Ressources coté à Londres.
"Le marché met plus de temps à décoller que ce qu'anticipaient nos principaux concurrents" qui se retirent, analyse M. Kalanquin.
DCNS pour sa part assure "continuer à y croire". Certes l'industriel a dû retarder le raccordement au réseau de deux hydroliennes au large de Paimpol-Bréhat (Côtes d'armor), prévue au départ à l'été 2016, en raison d'un "défaut de qualité". Le groupe détenu à 65% par l'Etat parle aujourd'hui d'en raccorder une "d'ici à l'automne" et la seconde "plus tard".
- Usine d'assemblage -
Mais le constructeur des sous-marins nucléaires français a une hydrolienne qui fonctionne depuis novembre au Canada, dans la baie de Fundy, dans des courants à 5 mètres par seconde, "un peu plus forts encore que ceux du raz Blanchard", argumente M. Kalanquin. Une seconde machine doit y être immergée "à l'automne", après inspection de la première.
Le groupe, qui emploie près de 13.000 salariés dans le monde dont environ 150 personnes dans l'hydrolien, doit en outre entamer "dans les prochaines semaines" la construction d'une usine d'assemblage d'hydroliennes à Cherbourg. L'usine emploiera "quelques dizaines de personnes", selon M. Kalanquin.
DCNS n'est pas le seul à miser encore sur cette technologie beaucoup moins mature que l'éolien offshore. La PME Sabella, qui a alimenté l'île bretonne d'Ouessant entre novembre 2015 et avril 2016 avec la seule hydrolienne qui ait jamais fonctionné au large des côtes françaises, travaille sur plusieurs projets. L'entreprise quimpéroise annonce une augmentation de ses effectifs de 15 à 20/25 personnes avant 2018. Forte d'un contrat aux Philippines pour 2019, elle mise pour sa part sur le marché des îles où il est plus facile pour l'hydrolien d'être compétitif.
L'entreprise grenobloise Hydroquest est également toujours convaincue que l'hydrolien a un avenir, a indiqué mardi son PDG Jean-François Simon à l'AFP. Partenaire des Chantiers mécaniques de Normandie (CMN), la PME compte deux hydroliennes fluviales à son actif, à Orléans et en Guyane. Elle projette en 2018 l'installation d'une hydrolienne marine en Bretagne et, avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR), de 39 turbines totalisant 2 MW dans le Rhône.
Selon le syndicat des énergies renouvelables (SER), une quinzaine d'hydroliennes produisent de l'électricité dans le monde dans des parcs d'essais, au large de l'Ecosse (6 MW), des Pays-Bas (1,2 MW), du Canada (2 MW) et du Japon (3 MW).