L'affaire d'espionnage industriel chez Renault va prendre une tournure judiciaire avec la plainte du constructeur automobile français qui doit finalement être déposée auprès du parquet de Paris jeudi, alors que l'évocation récurrente d'une "piste chinoise" irrite Pékin.
"Le dépôt de plainte sera fait demain (jeudi)", a déclaré à l'AFP une porte-parole du groupe. "Il a été décidé que la plainte sera déposée auprès du parquet de Paris", a-t-elle ajouté, en refusant toutefois d'en préciser le contenu.
La plainte "est finalisée mais (...) tant qu'elle n'est pas déposée, nous ne communiquerons pas le motif ni contre qui" elle sera déposée, a-t-elle indiqué.
Renault avait initialement annoncé qu'il entendait engager mercredi la "phase judiciaire" de l'affaire, alors que les trois cadres qu'il incrimine ont nié en bloc la veille les accusations portées contre eux.
L'affaire touche au projet phare de véhicule électrique de Renault dans lequel il a investi avec son allié japonais Nissan 4 milliards d'euros.
Ce dépôt de plainte va permettre de saisir officiellement la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le contre-espionnage français dont les enquêteurs travaillent déjà sur le dossier par le biais de sa "sous-direction de la protection économique".
Eclaircir les multiples zones d'ombre de l'affaire est d'autant plus crucial que l'évocation récurrente d'une piste chinoise lui donne maintenant un tour diplomatique, avec la colère exprimée par Pékin mardi contre des accusations jugées "totalement sans fondement, irresponsables et inacceptables".
Ni Renault, ni l'Etat français, encore actionnaire à 15% du constructeur, n'ont confirmé cette piste.
Mercredi, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a jugé "hors de propos" de spéculer sur l'implication de "telle ou telle filière, tel ou tel pays", mais a renouvelé l'appel du gouvernement aux entreprises afin qu'elles se protègent contre l'espionnage économique.
Le patron d'EADS Louis Gallois s'est également dit "intéressé d'échanger" sur le problème avec la direction de Renault. "C'est un sujet qui nous préoccupe", a-t-il déclaré.
Les trois cadres de Renault, qui ont été reçus mardi par leur direction pour des entretiens préalables à leur éventuel licenciement, ont catégoriquement rejeté les accusations qui les visent.
Le constructeur, qui se dit "victime d'une filière organisée internationale", les soupçonne d'avoir diffusé à l'extérieur des informations liées à ses "actifs stratégiques, intellectuels et technologiques".
"Renault porte contre moi des accusations très graves que je réfute totalement", a déclaré Michel Balthazard, le plus haut placé d'entre eux, membre du comité de direction de Renault chez qui il travaille depuis trente ans.
"J'ai l'impression d'être dans +Le Procès+ de Kafka", a déploré Bertrand Rochette, un des ses adjoints, qui dit vivre "un vrai cauchemar". Il a assuré au Figaro ne jamais avoir été approché ni sollicité (...) pour communiquer des données personnelles", et souligné que ses fonctions ne concernaient pas les véhicules électriques.
De son côté, Matthieu Tenenbaum, directeur de programme adjoint du véhicule électrique, a indiqué par la voix de son avocat attendre "que lui soient exposés les faits qu'on lui reproche". Selon son avocat, une "lettre anonyme au conditionnel" est à l'origine des accusations contre lui.
Renault doit respecter un délai de 48 heures après leurs entretiens préalables, s'il décide de les licencier rapidement pour faute lourde. "Renault a l'air d'être dans une trajectoire inéluctable qui conduit à mon licenciement probable, d'après ce que j'ai compris", a estimé mardi M. Rochette.