Le président d' Areva (PARIS:AREVA) Philippe Varin a appelé mercredi EDF (PARIS:EDF) à relever son offre sur sa filiale réacteurs et à se montrer plus coopératif, donnant le ton de la négociation entre les deux groupes, lourde d'enjeux pour l'avenir du spécialiste du nucléaire.
Si le dirigeant prend son parti du choix de l'Elysée de confier à EDF la majorité du capital d'Areva NP (la filiale du groupe dédiée aux réacteurs), il n'entend pas se laisser faire sur les aspects qui selon lui conditionneront la viabilité du futur Areva, recentré sur le cycle du combustible.
Voilà en substance le message délivré par M. Varin devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, alors que le gouvernement a donné seulement un mois aux deux groupes publics pour finaliser leurs négociations.
"Le 3 juillet, nous devons avoir abouti, c'est la demande du président", a rappelé le président du conseil d'administration d'Areva. Un "défi" qui "suppose "un changement radical du niveau de coopération entre EDF et Areva", prévient-il, alors que l'historique de rivalités entre les deux groupes est régulièrement désigné comme l'une des causes des difficultés actuelles d'Areva.
Selon M. Varin, permettre un "nouveau départ" au groupe suppose "une négociation équitable avec EDF sur la valorisation d'Areva NP". "La proposition d'EDF doit être revue", a-t-il ajouté devant les députés, alors que l'électricien a fait fin mai une offre indicative autour de 2 milliards, selon des informations de presse.
"Nous avons fait une proposition qui est différente, (qui) tient compte de la valeur de 40 ans de savoir-faire et bien sûr des +cash flow+ (flux de trésorerie, NDLR) futurs", a plaidé M. Varin. Un comité ad hoc, composé de trois administrateurs indépendants du groupe et de l'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), a été mis en place "pour apprécier ce qu'est la valeur acceptable pour Areva", a-t-il ajouté.
Dans les comptes d'Areva, cette division, qui regroupe la conception et la fabrication des équipements, mais aussi l'assemblage de combustible et les services aux réacteurs existants, est valorisée 2,7 milliards d'euros.
L'exigence d'une "négociation équitable" doit aussi s'appliquer à d'autres aspects du dossier, selon le dirigeant.
Areva souhaite en particulier obtenir de meilleures conditions dans ses contrats avec EDF pour la conversion d'uranium (l'étape avant l'enrichissement) et le retraitement des déchets dans son usine de La Hague (Manche). Concernant le combustible, EDF avait cherché ces dernières années à diversifier ses approvisionnements, aux dépens de son fournisseur français. Or, le futur Areva recentré sur le cycle du combustible, sera d'autant plus dépendant des commandes de l'électricien, qui reste son premier client.
- Le risque finlandais -
Autre condition "pour qu'Areva soit viable": trouver des solutions "sur le partage du risque du chantier finlandais" de l'EPR d'Olkiluoto 3, qui accumule retards et surcoûts et sur lequel plane une procédure d'arbitrage international avec le donneur d'ordre finlandais TVO.
Cette "épée de Damoclès qui pèse depuis 2003 sur le groupe (...) compromet tout scénario d'avenir", avertit M. Varin.
Mais jusqu'à présent, l'électricien a exclu toute prise en charge du risque financier lié à la Finlande. "La transaction (...) doit prévoir des garanties pour qu'EDF ne soit pas exposé aux risques liés au passé d'Areva, notamment en Finlande", plaidait ainsi récemment son PDG, Jean-Bernard Lévy.
Pour M. Varin, c'est pourtant seulement si ces conditions sont réunies, que le plan de performance annoncé en mars est mené à bien et que l'Etat recapitalise bien le groupe "à la hauteur nécessaire" comme il s'y est engagé, "que structurellement, le nouvel Areva aura une rentabilité qui lui permettra d'être un acteur sur la scène mondiale".
A priori, l'ex-fleuron du nucléaire n'est pourtant pas en position de force : EDF, mandaté par le gouvernement, est le seul acheteur en lice pour Areva NP - même s'il compte ensuite faire entrer d'autres investisseurs au capital de la filiale - et le temps presse pour Areva, dont les besoins de financement atteignent 6 milliards à 7 milliards d'euros, comme l'a reconnu M. Varin.
In fine, c'est l'Etat, actionnaire à 84,5% de l'électricien et à 87% d'Areva (directement et via le CEA et la Caisse des Dépôts), qui devrait à nouveau trancher.