Le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), chargé de l'enquête sur le crash de l'A330 d'Air France, a recommandé jeudi de changer les normes de certification des sondes Pitot, jetant une nouvelle ombre sur la fiabilité de ces instruments défectueux sur l'appareil accidenté.
"Nous avons toujours dit que les sondes Pitot étaient un des facteurs dans la chaîne d'événements qui avaient pu conduire à l'accident, mais cela ne pouvait pas être la seule cause", a déclaré le directeur du BEA Jean-Paul Troadec, lors d'un point presse au Bourget, après avoir rencontré des familles de victimes.
Les Pitot servent à mesurer la vitesse de l'avion par rapport à l'air, un élément essentiel à la conduite du vol. Plus de six mois après la catastrophe du Rio-Paris, qui a fait 228 morts le 1er juin, le BEA émet ainsi ses premières recommandations de sécurité.
"La recommandation que nous faisons aujourd'hui consiste à améliorer encore la certification des sondes Pitot, et même si on a eu un certain nombre d'incidents avec ces sondes" en dehors du crash de l'AF447, "tous ces incidents ont été contrôlés par l'équipage et on est revenu à des conditions de vol normales", a-t-il commenté.
Dans son deuxième rapport d'étape diffusé jeudi, le BEA estime que "les tests destinés à la validation des sondes Pitot ne paraissent pas adaptés aux vols à haute altitude", notamment en matière de température. Les avions volent aujourd'hui plus haut qu'il y a 25 ans.
Le BEA recommande donc à l'AESA (Agence européenne de sûreté aérienne) "de faire conduire des études pour déterminer avec une précision suffisante la composition des masses nuageuses à haute altitude" soit entre 33.000 et 37.000 pieds (10.000 à 12.000 mètres) "et, en liaison avec les autres autorités de réglementation, de faire évoluer, à partir des résultats obtenus, les critères de certification".
L'AESA "va soutenir" la recommandation du BEA, jugeant qu'il faut "adapter" la réglementation, a déclaré un porte-parole à l'AFP. L'organisme propose "une conférence internationale" au cours de "la seconde partie de 2010" portant sur "les effets potentiels du climat sur l'aviation".
"Si la certification change, les constructeurs de sondes et d'avions prendront en compte ces nouvelles normes", a réagi un porte-parole de l'avionneur européen Airbus.
Cette recommandation intervient alors que Airbus le 31 juillet, l'AESA, le 10 août, puis le Bureau américain de la sécurité des transports (NTSB) le 2 septembre, avaient ordonné aux compagnies aériennes le remplacement sur leurs Airbus A330 et A340 des sondes Pitot du groupe français Thales par des sondes produites par l'américain Goodrich.
Ce sont des sondes Thales qui étaient défectueuses lors du crash Rio-Paris.
Le BEA continue à estimer qu'"en l'absence de données issues des enregistreurs de vol, de l'essentiel des éléments de l'avion et de tout témoignage sur le vol, les circonstances exactes de l'accident et a fortiori ses causes, ne sont toujours pas déterminées".
Il affirme que l'avion n'a pas connu de "dépressurisation en vol" et était "probablement entier à l'impact". "Au résultat des autopsies, la cause du décès est très vraisemblablement le choc de l'appareil avec la mer", a dit M. Troadec.
Le BEA répertorie 32 incidents survenus sur des A330-A340 entre le 12 novembre 2003 et le 1er juin 2009, provoqués par des vitesses erronées communiquées par des sondes Pitot --Thales, et dans un cas, Goodrich-- dans des "conditions décrites comme givrantes" par l'équipage.
Une troisième phase de recherches de l'épave doit commencer en février et devrait durer trois mois.