FRANCFORT (Reuters) - Le chômage dans la zone euro est plus élevé que ne l'indiquent les statistiques officielles, ce qui constitue un frein persistant à la croissance des salaires, déclare la Banque centrale européenne (BCE) dans une étude publiée mercredi.
Cette situation pourrait retarder la normalisation de la politique monétaire de la BCE.
L'institut de Francfort juge qu'une dynamique en matière de croissance des salaires est nécessaire pour parvenir à un rebond durable de l'inflation dans la zone euro, condition préalable à l'abandon de sa politique ultra-accommodante faite de taux négatifs ou nuls et de dizaines de milliards d'euros de rachats d'actifs par mois depuis mars 2015.
L'incohérence entre le recul du chômage et la faible progression des salaires n'est qu'apparente, souligne la BCE dans cette étude, car les chiffres officiels excluent toutes les personnes ne respectant pas certains critères statistiques stricts mais aussi tous les temps partiels subis, alors même que ces deux catégories contribuent à l'atonie du marché du travail.
Ajusté de ces catégories, le sous-emploi atteint environ 15% dans la zone euro, soit bien au-dessus du taux de chômage officiel de 9,5%, et seule l'Allemagne semble manifester des signes de tension sur son marché du travail.
"En France et en Italie, les mesures plus larges du sous-emploi sur le marché du travail ont continué d'augmenter durant toute la période de reprise (économique), alors qu'en Espagne et dans d'autres économies de la zone euro, elles ont enregistré un récent déclin mais restent bien supérieures aux niveaux d'avant-crise", est-il écrit dans cette note de la BCE.
"Le niveau de l'indicateur élargi de la sous-utilisation de la main d'oeuvre reste élevé et cela va probablement continuer à freiner la dynamique des salaires."
Les réformes du marché du travail, en partie promues par la BCE, ont contribué à l'essor du travail à temps partiel, offrant aux employeurs une plus grande souplesse dans la gestion de leurs effectifs. Les entreprises privilégient désormais ce type d'embauches plutôt que d'accroître la charge de travail de leurs employés.
Le nombre de postes à temps partiel ou à durée déterminée a augmenté de près de quatre millions dans la zone euro depuis la crise financière alors même que l'emploi total n'a pas augmenté.
La BCE estime qu'environ 3,5% de la population en âge de travailler est statistiquement inactive même si cette fraction pourrait rapidement revenir sur le marché du travail. Une autre fraction de 3% est sous-employée, c'est-à-dire travaille moins qu'elle ne le souhaiterait.
Avec ces deux catégories, le sous-emploi dans la zone euro est encore supérieur de trois points de pourcentage à son niveau d'avant-crise, indiquent les données de la BCE.
Autre sujet de réflexion pour la BCE, l'essentiel des créations d'emploi s'effectue dans les services, où les gains de productivité sont intrinsèquement plus faibles, ce qui constitue un facteur supplémentaire de limitation à la hausse des salaires.
(Balazs Koranyi; Bertrand Boucey pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)