L'Union européenne, récemment condamnée pour des années d'aides illégales à son avionneur Airbus, a sorti ses armes mercredi et décidé de faire appel du jugement de l'OMC donnant en grande partie raison à la plainte américaine de 2004.
Cet épisode constitue un nouveau rebondissement dans la guerre sans merci que se livre depuis des décennies le duopole Airbus/Boeing pour la place de premier constructeur mondial.
Après une trêve dans les années 90, les deux constructeurs s'affrontent depuis octobre 2004 devant l'Organisation mondiale du commerce par le biais de leurs capitales respectives qui ont déposé deux plaintes simultanées dénonçant les aides publiques accordées à chacun d'entre eux.
Après plus de cinq ans, l'Organe de règlement des différends de l'OMC, confrontés au dossier le plus lourd et le plus complexe de son histoire, a rendu son premier jugement officiel le 30 juin concernant la plainte américaine contre Bruxelles.
Dans un rapport de plus de 1.000 pages, l'ORD a établi que les avances remboursables allemandes, espagnoles et britanniques pour l'A380 constituaient "des subventions à l'exportation prohibées" dans le cadre de l'OMC.
Il a également estimé que 21 aides accordées à Airbus pour le lancement de la gamme des A300 au cours de ces 40 dernières années représentaient des subventions en raison des conditions de remboursements à des taux inférieurs à ceux du marché.
Le gendarme du commerce mondial a également statué que ces aides avaient permis à Airbus de prendre des parts de marché à Boeing, selon lequel les subventions européennes ont permis à son rival de passer de 37% de part de marché en 2001 à 57% en 2006. Et par la même occasion prendre la place de premier constructeur de l'aviation civile en 2003.
Bruxelles a reconnu une partie des conclusions de l'ORD mais décidé de faire appel mercredi, expliquant dans un communiqué que quelque sept points du jugement devaient "être corrigés ou clarifiés".
L'UE conteste ainsi le fait que les aides pour l'A380 soient des subventions de même que "le lien de cause à effet entre les soutiens à Airbus et les conséquences négatives sur Boeing" de ces aides.
Selon des sources européennes proches du dossier, elle juge encore que les montants de certaines subventions ont été "exagérés" par les experts.
"Cette dispute est trop importante pour permettre des mauvaises interprétations du groupe d'experts (de l'ORD) sans contestation", a justifié le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht cité dans un communiqué.
"De plus, ne pas faire appel pourrait constituer un précédent néfaste pour tous les membres de l'OMC", a-t-il ajouté.
Le traitement de cet appel, qui selon les règles de l'OMC est prévu dans un délai de 90 jours, pourrait s'avérer plus long en raison de la complexité de l'affaire, a d'ores et déjà prévenu Bruxelles.
D'ici là, les résultats préliminaires du deuxième volet de cette bataille devraient être connus. Selon l'UE, l'OMC devrait ainsi remettre son premier rapport intérimaire confidentiel sur la plainte de Bruxelles contre des aides publiques accordées à Boeing par Washington.
Le document, qui était initialement attendu le 16 juillet, est désormais prévu pour "mi-septembre au plus tard".
En attendant, Bruxelles et EADS assurent que le premier verdict rendu par l'OMC ne changeait rien pour le programme A350, crucial pour le développement de l'avionneur.
Il tombe en revanche plutôt mal, selon les experts, pour le "contrat du siècle" que se disputent notamment Airbus et Boeing pour la livraison de ravitailleurs à l'armée américaine.