Confrontée à une dégradation de ses résultats, la SNCF fait la chasse aux lignes déficitaires: des liaisons TGV vers Arras et Strasbourg pourraient en faire les frais, au grand dam des intéressés.
"Nous sommes un peu coincés: on nous demande de gagner de l'argent. Mais les péages payés à Réseau ferré de France pour faire rouler les TGV ne cessent d'augmenter. Pourtant, nous devons faire rouler les trains, même quand ils sont déficitaires. Sinon, c'est la révolution", résume un cadre de la société nationale.
Contrairement aux liaisons régionales, les grandes lignes ne sont pas subventionnées. Jusqu'à présent, le succès du TGV permettait de payer pour le reste: les relations interrégionales (Corail et "TGV intersecteurs"), les trains de nuit ainsi que la desserte des villes moyennes.
Ainsi, seule la relation Paris-Strasbourg est rentable sur le très médiatique TGV Est, qui file à 320 km/h, relevait il y a peu Mireille Faugère, l'ancienne directrice de la branche SNCF Voyages.
Depuis plusieurs mois, la SNCF a tiré la sonnette d'alarme: son "modèle TGV" va être mis à mal par l'augmentation annoncée des péages, décidée par le gouvernement pour financer la rénovation du réseau ferré. Il faut dire que lesdits péages versés par la SNCF ne couvrent pas la moitié des coûts...
La crise n'a pas arrangé les choses. Le taux de remplissage des TGV a fortement baissé malgré la multiplication de promotions.
Comment continuer dans ces conditions? En limitant les pertes sur les liaisons les moins rentables!
Une solution semble en vue pour les Corail et les trains de nuit (que la SNCF a rebaptisé "trains d'aménagement du territoire"): le gouvernement devrait les subventionner. Mais en ce qui concerne les TGV, il faudra "adapter" l'offre à la demande.
Dans son projet de budget 2010 -qui doit être adopté mercredi-, la direction de la SNCF indique qu'"une première vague de reconfigurations/suppressions de dessertes, ciblées sur les relations TGV structurellement déficitaires, les intersecteurs et les flancs de pointe (trains précédant ou suivant les heures de pointe, NDLR), [est] intervenue courant 2009 et donnera son plein effet en 2010".
"La Branche (Voyages SNCF) prévoit d'engager une refonte plus profonde à compter du service 2011, en particulier sur les relations Paris-Arras, Nord-Est et Est-Atlantique", poursuit-elle.
Et voilà, outre la desserte d'Arras, les liaisons Lille-Strasbourg, Nantes-Strasbourg et Bordeaux-Strasbourg bien menacées...
"Rien n'est encore décidé. (...) Ce genre de +peignage+ des liaisons, ça se fait tous les ans. Il y a une adaptation des horaires, la création de nouveaux trains, des suppressions... Il n'y a pas de plan précis de suppression de dessertes", a indiqué lundi un porte-parole à l'AFP.
Et de préciser que l'offre globale de TGV devrait augmenter "de l'ordre de 1% en 2010".
La SNCF devrait trancher au printemps. En attendant, les réactions n'ont pas tardé chez les élus locaux. Ils voient d'un très mauvais oeil la suppression de trains, d'autant qu'ils participent désormais au financement des lignes nouvelles.
Les élus alsaciens sont immédiatement montés aux créneaux. Le président de la région Alsace, André Reichardt (UMP), a notamment estimé que "cela constituerait un casus belli" avec la SNCF si Strasbourg devait perdre ses TGV évitant Paris.
Même réaction du côté d'Arras. "Les habitants du Pas-de-Calais n’ont pas à pâtir de la stratégie de la SNCF qui consiste à délaisser ses missions de service public au profit d'activités commerciales", a déclaré le président socialiste du conseil général du Pas-de-Calais Dominique Dupilet.