par Mike Collett et Brian Homewood
ZURICH (Reuters) - Sept des membres les plus influents de la Fédération internationale de football (FIFA) pourraient être extradés vers les Etats-Unis après leur arrestation mercredi en Suisse, où une enquête a également été ouverte sur les conditions d'attribution des deux prochaines Coupes du monde de football.
La plus haute instance du sport le plus populaire du monde se trouve ainsi au coeur d'un double dossier judiciaire, les autorités américaines et suisses ayant annoncé, chacune de leur côté, enquêter sur son fonctionnement.
La justice américaine a précisé que neuf responsables de la FIFA et cinq dirigeants de sociétés liées à la commercialisation et à la promotion du football devraient répondre de faits de corruption ayant donné lieu, depuis le début des années 1990, au versement de pots-de-vin estimés à plus de 150 millions de dollars (138 millions d'euros). Sept d'entre eux font l'objet d'une demande d'extradition.
"Des représentants des médias et du marketing sportif seraient impliqués dans des versements à de hauts fonctionnaires d'organisations footballistiques en échange des droits médiatiques et des droits de marketing et de sponsoring de compétitions organisées aux Etats-Unis et en Amérique du Sud", déclare l'Office fédéral de la justice (OFJ) dans un communiqué.
Joseph "Sepp" Blatter, le patron de la FIFA, ne fait pas partie des personnes interpellées mais certains de ses plus proches collaborateurs sont en état d'arrestation à Zurich.
Parmi les 14 personnes mis en cause par le département américain de la Justice, figurent entre autres deux vice-présidents de la FIFA, Jeffrey Webb, un Britannique qui préside la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf) et Eugenio Figueredo, un Uruguayen vice-président de la Confédération sud-américaine de football (Conmebol).
Six personnes ont déjà reconnu certains des faits qui leur sont reprochés, a précisé Washington.
LA FIFA RECONNAÎT VIVRE "UN MOMENT DIFFICILE"
Loretta Lynch, l'Attorney General (équivalent du ministre de la Justice) des Etats-Unis a parlé d'une corruption "rampante, systématique et profondément enracinée, à l'étranger comme aux Etats-Unis".
Les interpellations ont eu lieu à l'aube dans un hôtel de Zurich où résident de nombreux responsables de la FIFA à l'occasion du congrès de l'organisation, à l'issue de laquelle Sepp Blatter pourrait obtenir vendredi un nouveau mandat, le cinquième consécutif.
Dans un communiqué, la FIFA a déclaré vivre "un moment difficile" mais a confirmé que son président demanderait le renouvellement de son mandat et que les deux prochaines Coupes du monde auraient lieu comme prévu en Russie et au Qatar.
Parallèlement à la procédure en cours aux Etats-Unis, la justice suisse a ouvert une enquête pénale distincte sur des soupçons de "gestion déloyale et de blanchiment d'argent entourant les attributions des Coupes du monde de football 2018 et 2022".
Des données et des documents ont été saisis sur des ordinateurs au siège de la FIFA à Zurich, a précisé le ministère public de la Confédération. Des comptes bancaires en Suisse ont parallèlement été bloqués.
Dans le cadre de ses activités, la FIFA brasse des milliards de dollars de recettes issues principalement de contrats de parrainage commercial et de la vente des droits de retransmission télévisée des Coupes du monde.
L'organisation est régulièrement la cible d'accusations de corruption sur laquelle elle assure avoir enquêté. Mais jusqu'à présent, elle a toujours échappé à des poursuites de grande ampleur.
UNE ENQUÊTE INTERNE SANS CONCLUSIONS CLAIRES
L'attribution en 2010 de la Coupe du monde 2022 au Qatar, un petit pays sans véritable tradition de football, a été particulièrement critiquée par certains responsables sportifs occidentaux. La FIFA a depuis été contrainte d'admettre que l'été au Qatar était trop chaud pour jouer au football et repoussé la compétition à la fin de l'année 2022.
La Bourse du Qatar était en net repli mercredi après l'annonce des arrestations à Zurich, perdant jusqu'à 2,6%.
La Russie, elle, a assuré qu'elle accueillerait bien le Mondial 2018.
Il y a trois ans, la FIFA avait recruté un ancien procureur américain, Michael Garcia, pour enquêter sur les allégations de corruption mais elle a refusé l'an dernier de publier son rapport, se contentant d'une synthèse concluant à l'absence d'irrégularités majeures.
Michael Garcia a quant à lui démissionné en expliquant que ses travaux avaient été, à dessein, mal interprétés.
Le rival de Sepp Blatter pour l'élection à la présidence de la FIFA, le prince jordanien Ali ben al Hussein, qui a promis de nettoyer l'organisation s'il est élu, a parlé mercredi d'un "jour triste pour le football".
A Paris, Nöel Le Graët, le président de la Fédération française de football, membre de la FIFA, a jugé "honteux que des dirigeants puissent semer le doute sur des organismes comme la FIFA, aussi importants pour le football mondial".
"C'est quand même invraisemblable que des hommes qui dirigent des fédérations soient ainsi suspectés, même s'il faut attendre l'issue des enquêtes", a-t-il dit à L'Equipe.
(avec Curtis Skinner à San Francisco et Ian Ransom à Melbourne, Danielle Rouquié et Marc Angrand pour le service français)