Le gouvernement va poursuivre en justice neuf distributeurs, dont les plus grandes chaînes d'hypermarchés, accusés de pratiques abusives à l'égard de leurs fournisseurs, une action inédite par son ampleur.
"Les distributeurs seront convoqués" au tribunal de commerce pour de premières audiences "qui s'étaleront entre le 17 et le 20 novembre", a déclaré mercredi à l'AFP le secrétaire d'Etat au Commerce et à la Consommation Hervé Novelli après avoir dévoilé cette initiative sur TF1.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a effectué des contrôles sur des centaines de contrats et "une dizaine de clauses réputées abusives se répètent", a-t-il précisé.
Elle a constaté deux types majeurs de dispositions illégales: celles qui prévoient que le distributeur n'assume plus le risque de mévente (comme l'obligation pour le fournisseur de reprendre les invendus) et celles qui imposent des contraintes dont lui-même se dispense (des pénalités de retard, ou encore une baisse de prix exigée quand le cours des matières premières diminue, mais pas l'inverse).
Les distributeurs auront les assignations en main entre ce mercredi et vendredi, a dit M. Novelli.
"Mon ambition n'est pas de stigmatiser quiconque mais" de faire en sorte qu'on rétablisse "une confiance entre les parties", a-t-il indiqué, refusant de nommer les enseignes poursuivies, décrites comme six enseignes alimentaires et trois non alimentaires.
Selon une source proche du dossier, Auchan, Carrefour, Leclerc, Casino, Cora et Système U en font partie.
Auchan, Leclerc et Système U ont indiqué qu'ils n'avaient pas encore reçu les assignations et qu'il ne disposaient pas d'informations précises.
Quand aux fournisseurs lésés, il s'agit essentiellement de PME agroalimentaires, selon M. Novelli.
En lançant ces procédures, le gouvernement fait le constat que sa Loi de modernisation de l'économie (LME) n'a pas suffi à éradiquer toutes les dérives, même si depuis l'entrée en vigueur de la loi, les distributeurs ont "joué le jeu" avec une baisse des prix et une résorption des marges-arrières (passées de environ 32% du prix des produits à 11% environ), selon le terme de M. Novelli.
La LME a autorisé la négociation des prix entre producteurs et distributeurs, mais à "cette liberté, doit correspondre un équilibre" entre les parties qui établissent les contrats, a-t-il indiqué. "Ce qui était toléré avant la loi ne l'est plus".
"Nos enseignes ne connaissent pas la raison de fond qui leur vaut ces assignations. Elles ne les ont pas encore reçues. Nous pensons que cette façon de faire n'est pas responsable", a déclaré à l'AFP le président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), Jérôme Bédier.
"Nous sommes en train d'appliquer la LME, que nous avons souhaitée" et elle "a produit des effets positifs. S'il y a des problèmes d'application, on est prêts à en parler", a-t-il ajouté.
Ce n'est pas la première fois que l'Etat poursuit des distributeurs, mais il n'avait jamais procédé à un tir groupé de cette ampleur.
Depuis la LME d'août 2008, qui visait entre autres à moraliser les négociations entre centrales d'achat de la distribution et fournisseurs, les contrevenants risquent des sanctions plus élevées (2 millions d'euros d'amende par infraction), ainsi qu'une restitution pouvant aller jusque trois fois ce qu'ils ont fait payer en trop aux fournisseurs.