Au lendemain de la "journée blanche" des producteurs de lait en grève, le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire a tenté samedi de désamorcer le conflit en promettant le soutien de l'Etat, un message qui a été bien accueilli mais n'a pas suffi à mettre fin au mouvement.
Recevant tour à tour les syndicats agricoles, il a proposé des "accords" entre les producteurs de lait et les industriels "sous le contrôle" des pouvoirs publics afin de "garantir un revenu stable". "On ne les laissera pas dans un face à face avec les industriels", a-t-il promis.
Autre tentative de répondre à la détresse des producteurs révoltés contre la chute des prix, il réunira lundi les banques, les assurances et la Mutualité sociale agricole (MSA), avec l'espoir de leur arracher un geste de "solidarité" visant à soulager la trésorerie des agriculteurs.
Pendant les discussions, l'action sur le terrain se poursuivait, mais de manière plus mesurée. Unis dans un même combat, contre la fin des quotas, producteurs français et allemands ont rallié le pont transfrontalier de Kehl et ont jeté le contenu de deux grands pots à lait dans le Rhin.
Les éleveurs réclament un prix minimum entre 350 et 400 euros les 1.000 litres, contre 260 à 280 euros actuellement en France. Si la Commission européenne a proposé jeudi des mesures pour faire face à la crise, elle ne compte pas revenir sur l'abolition du système des quotas, programmée pour 2015.
Après la colère "blanche" vendredi, avec des millions de litres de lait épandus par des producteurs, le ministre de l'Agriculture a tenu à nuancer son discours et à bannir de son vocabulaire le mot "contractualisation", chiffon rouge pour de nombreux agriculteurs.
Le projet de "contrats" entre producteurs et industriels, solution prônée jusque-là par le gouvernement, "fait peur" car les agriculteurs redoutent que "les industriels dictent toutes les conditions" et les transforment "en salariés", a expliqué M. Le Maire.
D'où l'idée de proposer des "accords" entre producteurs et industriels "sous le contrôle de la puissance publique" et assortis de "rapports de force équilibrés".
Les modalités de cette "participation des pouvoirs publics" seront fixées lors d'une rencontre entre l'Etat et toute la profession prévue le 1er octobre. Parmi les options à l'étude figurent "la mise en place d'un régulateur national" et la possibilité de "définir par la loi" le cadre des accords.
"Je ne ferai rien contre les règles européennes", a assuré M. Le Maire, interrogé sur la compatibilité de ce projet avec la législation sur la concurrence.
Les syndicats, dont certains réclament désormais une intervention du président Nicolas Sarkozy, espèrent que ce geste ne sera pas seulement d'ordre sémantique.
"Le ministre a abandonné la notion de contractualisation, c'est une première victoire", a commenté le secrétaire national de la Confédération paysanne, André Bouchut. Son mouvement compte néanmoins "durcir la grève" la semaine prochaine, histoire de maintenir la pression.
"Le ministre a compris" qu'il doit trouver une "solution européenne", mais "les producteurs ne vont pas décider d'achever ce mouvement sur de simples déclarations", a résumé François Lucas, président de la Coordination rurale.
Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA, a demandé au ministre de plaider auprès des banques en faveur d'"une année blanche" avec "report des annuités des emprunts". Syndicat majoritaire, la FNSEA "comprend le désarroi" des producteurs, mais refuse d'appeler à la grève.