Les banquiers suisses ont demandé lundi à ce qu'une solution soit trouvée dans le litige qui oppose la Confédération aux Etats-Unis sur l'évasion fiscale, alors que Washington a fixé un ultimatum à Berne pour transmettre les données bancaires de fraudeurs présumés.
"La Suisse n'est pas une république bananière", a lancé le président de l'Association suisse des banquiers (ASB), Patrick Odier.
Le lobby bancaire, qui regroupe 355 établissements financiers, réagissait aux révélations faites par la presse helvétique, selon laquelle les autorités américaines ont donné jusqu'à mardi à la Suisse pour transmettre les données bancaires de fraudeurs du fisc aux Etats-Unis qui auraient dissimulé leurs avoirs dans la Confédération.
Selon la Sonntagszeitung, qui se base sur une lettre envoyée par le vice-ministre américain de la Justice James Cole, Washington exige d'ici mardi des données de la deuxième banque helvétique Credit Suisse.
D'autres établissements sont également concernés, notamment Wegelin, Julius Baer, la Banque cantonale de Zurich et la banque cantonale de Bâle, selon le journal dominical.
Le Département fédéral des Finances, contacté par l'AFP, a indiqué mener des discussions avec les Etats-Unis sur l'aide administrative. "Nous ne commentons pas les étapes individuelles" des discussions, a précisé un porte-parole.
Ce dernier a souligné qu'un échange détaillé de données bancaires ne pouvait se faire "que sur la base de la législation existante", soit selon l'accord révisé de double imposition conclu en juin 2009 entre la Suisse et les Etats-Unis. Le document a été ratifié par les députés helvétiques, mais n'a toujours pas été validé aux Etats-Unis.
L'accord prévoit l'échange de renseignements uniquement au cas par cas et en réponse à des demandes "concrètes" et "fondées".
L'Association suisse des banquiers poursuit le même argumentaire. "La solution (avec les Etats-Unis) doit être globale, finale et doit correspondre au droit suisse existant", a insisté M. Odier.
"Les Etats-Unis sont trop puissants" et "les agissements des procureurs américains sont trop vigoureux", a-t-il estimé, concédant cependant que certains banquiers helvétiques ont agi de manière "trop insouciante" par le passé en acceptant de l'argent issu de l'évasion fiscale.
"L'ombre du passé nous rattrape une fois de plus", a souligné M. Odier, ajoutant que les banques suisses devaient payer pour d'éventuels agissements non réguliers aux Etats-Unis.
Ce nouveau rebondissement rappelle en effet le sort qu'avait subi la première banque suisse UBS, obligée de divulguer aux autorités américaines les noms de 4.450 clients américains auxquels elle avait offert de cacher des fonds au fisc. L'établissement avait également payé une amende de 780 millions de dollars.
Selon un banquier anonyme cité par la SonntagsZeitung, les établissements helvétiques pourraient régler une amende d'environ 2 milliards de francs suisses pour solder cette nouvelle affaire.
Mais selon un analyste interrogé par l'AFP, ce montant est "sans fondement".
"Vu tous les problèmes, je préfèrerais que les banques suisses abandonnent complètement (l'activité de) banque privée aux Etats-Unis et réfléchissent très sérieusement (à l'avenir) de la banque d'affaires" dans ce pays, a-t-il ajouté.
Pour les spécialistes de Deutsche Bank, les banques suisses devront choisir entre refuser de coopérer avec Washington ou violer le droit suisse.
Face à ces difficultés, les valeurs bancaires chutaient à la Bourse suisse, Credit Suisse perdant 7,26% à 20,18 francs suisse et UBS reculant de 5,8% à 10,40 francs suisses dans un marché en baisse de 2,70% à 12H29 GMT.