L'Europe, minée par la crise, se dirigeait péniblement vendredi vers un budget d'austérité pour les sept prochaines années, marqué pour la première fois de son histoire par une baisse par rapport à la période précédente.
Les pays exigeant des coupes sévères dans les dépenses comme le Royaume-Uni semblaient en voie d'imposer leurs vues aux défenseurs d'un cadre plus ambitieux comme la France.
Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a souligné qu'il visait un "accord" des chefs d'Etat et de gouvernement des 27. Il a présenté au petit matin une nouvelle proposition de compromis, après déjà plus de 15 heures de débats, rencontres bilatérales et conciliabules pour tenter de rapprocher les points de vue. Les discussions se sont ensuite interrompues vers 09H00 GMT et leur reprise, prévue initialement deux heures plus tard, n'avait toujours pas repris à 14H00 GMT.
Dans le texte proposé par M. Van Rompuy, le montant des crédits d’engagement, qui correspondent au plafond autorisé, est de 960 milliards d'euros, et celui des crédits de paiement, soit les dépenses effectives pour les sept prochaines années, de 908,4 milliards d'euros.
De sources européennes, on souligne que cela correspond à une baisse de 3% du budget pour la période 2014-2020 par rapport aux sept années précédentes.
M. Van Rompuy voulait initialement proposer des engagements à 960 milliards d'euros et des crédits de paiement à 913 milliards. Mais dès son arrivée à Bruxelles jeudi en milieu de journée, le Premier ministre britannique David Cameron s'est montré inflexible. "En novembre, les chiffres présentés étaient vraiment trop élevés. Ils doivent redescendre. Et si ce n'est pas le cas, il n'y aura pas d'accord", avait-il lancé.
Pour tenir compte des restrictions budgétaires imposées dans de nombreux Etats membres, les montants présentés en novembre par M. Van Rompuy étaient déjà en nette baisse par rapport aux demandes de la Commission européenne: 973 milliards pour les engagements et 943 milliards pour les paiements. Mais cette proposition avait été sèchement rejetée par le Royaume-Uni, soutenu par l'Allemagne, les pays nordiques et les Pays-Bas.
Au final, M. Cameron obtient en grande partie satisfaction, avec des crédits de paiement, la mesure la plus concrète pour son opinion publique, en nette baisse.
Pour faire passer cette austérité auprès des pays comme la France ou l'Italie, partisans d'un cadre plus généreux, des solutions ont été trouvées pour apporter plus de souplesse, a expliqué une source européenne.
A l'avenir, l'argent provenant des amendes infligées par l'UE à des entreprises n'ayant pas respecté les règles de la concurrence sera versé au budget européen au lieu d'être redistribué aux Etats. Autre nouveauté, si tous les crédits de paiement ne sont pas dépensés au cours d'un exercice, la somme restante s'ajoutera à ceux de l'exercice suivant, au lieu, là encore, d'être récupéré par les Etats. Selon certains diplomates, cela pourrait représenter 12 milliards supplémentaires.
"C'est un compromis pas mirobolant, mais acceptable", a confié une source française.
Mais, selon une source européenne, M. Cameron serait finalement "revenu sur sa parole en refusant la flexibilité", condition sine qua non pour que la France accepte des crédits de paiement ramenés à 908,4 milliards d'euros. Ce nouveau retournement de situation, ainsi que de nouvelles demandes exprimées par d'autres pays dont les Pays-Bas et la République tchèque, expliqueraient le nouveau retard dans la reprise des pourparlers.
Dans le projet présenté vendredi matin, les deux principales politiques de l'UE sont épargnées. La Politique agricole commune (PAC), dont la France est le premier bénéficiaire, gagne un peu plus d'un milliard par rapport à la dernière proposition Van Rompuy en novembre.
Les fonds de cohésion pour les régions les plus défavorisées, notamment dans les pays de l'Est, obtiennent 4,5 milliards supplémentaires. Un nouveau fonds pour l'emploi des jeunes sera doté de quelque six milliards.
Pour parvenir à une baisse substantielle du budget sans amputer la PAC et la Cohésion, l'essentiel des coupes sont opérées dans l'enveloppe demandée pour les infrastructures. Elle est amputée de plus de 10 milliards d'euros, à un peu plus de 29 milliards.
Les fonctionnaires de Bruxelles, dans le collimateur de David Cameron, devront se serrer la ceinture, avec 1,5 milliard de moins que la demande de la Commission.
Côté recettes, les pays bénéficiant de rabais, le Royaume-Uni en premier lieu, mais aussi l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, le conservent. Le Danemark obtient la ristourne qu'il demandait.
Mais le Parlement européen, qui doit voter le budget à la majorité absolue, menace de rejeter cet accord. "Je vois mal le Parlement approuver ce budget", a réagi le chef des Libéraux, l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, en dénonçant "une victoire de la vieille politique européenne.
"Plus vous vous éloignerez de la proposition de la Commission, plus il est vraisemblable que votre décision se heurtera à un refus du Parlement européen", avait mis en garde jeudi le président du Parlement, Martin Schulz.