La Commission européenne va déclencher les hostilités sur le futur budget de l'UE en prônant une diminution "significative" des subventions agricoles, un chiffon rouge pour les pays comme la France au moment où les paysans sont dans la rue.
Dans un projet de proposition sur le futur cadre budgétaire européen pluri-annuel ("Perspectives financières") qui débutera en 2014, et dont l'AFP a obtenu copie, Bruxelles esquisse une évolution sensible de la Politique agricole commune (PAC).
Le document doit être publié fin novembre et est donc encore susceptible d'être modifié.
Il souligne que les aides agricoles représentent déjà une proportion continuellement en baisse du budget global de l'UE. De 61% en 1988, leur part doit passer à 32% en 2013 dans le budget global européen.
"A l'avenir, des réformes et une modernisation supplémentaires des dépenses agricoles seront nécessaires", souligne la Commission.
Cette réforme "devra conduire à une nouvelle réduction significative de la part totale dévolue à l'agriculture dans le budget de l'UE, afin de libérer des fonds pour de nouvelles priorités", indique le texte.
Ces priorités sont la croissance durable et l'emploi, la protection du climat et l'énergie, et la politique extérieure de l'UE.
Un autre grand poste du budget européen actuel, la politique de cohésion qui vise à venir en aide aux régions défavorisées, apparaît comme l'autre grande victime du projet de Bruxelles.
A l'heure actuelle, le budget de la PAC (aides directes aux agriculteurs et développement rural) absorbe à lui seul 47% du budget total de l'UE qui s'élève à 116 milliards d'euros en 2008.
Les Britanniques, adversaires historiques de la PAC, et les pays libéraux du Nord de l'Europe, dénoncent depuis des années cet état de fait et réclament une renationalisation du système. Ils devraient voir dans les propositions de la Commission des arguments les confortant.
"Une proportion plus grande des dépenses actuelles de la PAC devrait être assignée aux Etats membres (de l'UE) ou les aides directes (aux agriculteurs) devraient être co-financées par des contributions nationales", estime Bruxelles.
Il ne s'agit que d'une proposition à ce stade. Les négociations sur le futur budget de l'UE se tiendront réellement en 2011 et seront menées par les Etats européens, en liaison avec le Parlement.
Mais l'épreuve de force promet d'être particulièrement rude. "Avec la crise économique, 2011 sera une année de très forte tensions où les gouvernements seront sous pression pour réduire leurs déficits publics", souligne un diplomate européen.
"L'heure ne sera donc pas à délier les cordons de la bourse", ajoute-t-il. De ce fait, tant la PAC que le "chèque britannique" - le rabais budgétaire obtenu en 1984 par Margaret Thatcher - risquent d'être dans le collimateur.
Le président de la commission budgétaire du Parlement européen, le Français Alain Lamassoure, juge les propositions de la Commission européenne "explosives" et considère qu'elles seront "inacceptables pour beaucoup".
La France, qui plaide avec force pour le maintien d'une agriculture ambitieuse, "régulée" et "commune", risque de ne pas apprécier. "On ne peut pas commencer à réintroduire une renationalisation" de la PAC, souligne un expert français.
Pour autant, Paris a aussi intérêt à certaines réformes. L'évolution mécanique du budget actuel de l'UE n'est en effet pas avantageuse pour la France, devenue contributeur net et qui doit se préparer à voir les subventions agricoles versées aux nouveaux Etats membres d'Europe de l'Est grimper dans les années à venir.