Le président et le directeur général de l'IOR, la banque du Vatican, font l'objet d'une enquête du parquet de Rome pour violation d'une nouvelle loi italienne anti-blanchiment, une procédure qui a suscité la "perplexité" et l'"étonnement" du Vatican.
Le patron de l'Institut des oeuvres religieuses Ettore Gotti Tedeschi et son directeur général Paolo Cipriani sont soupçonnés de ne pas avoir respecté une clause de la législation anti-blanchiment datant de 2007. Cette loi italienne qui applique une directive européenne rend obligatoire la mention du mandataire de toute opération financière ainsi que son objectif et sa nature.
Ils ne sont donc pas soupçonnés de blanchiment d'argent sale proprement dit, mais d'omissions entourant des opérations.
Le Vatican n'a pas tardé à réagir, exprimant sa "perplexité" et son "étonnement" face à la procédure tout en assurant les deux dirigeants de sa "totale confiance".
M. Gotti Tedeschi s'est dit "profondément humilié et mortifié", précisant, à la chaîne télévisée Rai Due, "avoir vraiment complètement accepté toutes les indications de la Banque d'Italie".
La mise en cause de MM. Gotti Tedeschi et Cipriani est liée à la saisie, lundi à titre préventif, de 23 millions d'euros de l'IOR déposés sur un compte courant dans une agence romaine de la banque Credito Artigianato (bien Artigianato). Sur ce total, 20 millions devaient être transférés vers une filiale en Allemagne de la banque JP Morgan et trois vers une autre banque italienne (Banca del Fucino).
L'IOR, surnommée la "banque des prêtres" gère les comptes des ordres religieux et des associations catholiques. Bénéficiant du statut extraterritorial accordé au Vatican, elle n'est pas tenue de respecter les normes financières en vigueur pour les établissements italiens. Cependant la justice italienne peut depuis 2003 enquêter sur elle et l'institution est sous surveillance particulière de la Banque d'Italie qui a signalé les deux opérations à la justice le 15 septembre et est à l'origine de l'enquête.
Le Vatican a souligné avoir fourni "les données nécessaires" à la Banque d'Italie et effectuer "couramment" ce type d'opérations avec d'autres banques italiennes, selon un communiqué de la secrétairerie d'Etat. Il a souligné sa "volonté de totale transparence" en disant s'efforcer de faire entrer le Vatican dans la "liste blanche" de l'OCDE et du GAFI.
Le secrétaire d'Etat et numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, est également président de la "Commission cardinalice de vigilance" de l'IOR, une instance mise en place après le scandale provoqué par la faillite en 1982 de la banque italienne privée Banco Ambrosiano, dont l'IOR était le principal actionnaire.
L'enquête d'alors avait montré que la banque Ambrosiano recyclait l'argent de la mafia sicilienne, en relation avec la loge maçonnique illégale P2 travaillant pour la CIA, le renseignement américain.
Il y a un an, l'Institut a changé de patron avec la nomination à sa tête d'Ettore Gotti Tedeschi, représentant en Italie du groupe espagnol Santander. Spécialiste de l'éthique de la finance, il a été choisi, selon les médias, pour remettre en ordre les comptes de l'IOR.
En juin, le journal Repubblica avait affirmé que l'IOR était sous enquête du parquet de Rome qui le soupçonnait d'opérations de blanchiment d'argent. Pour les enquêteurs, les comptes portant seulement le sigle IOR auprès de banques italiennes seraient "des +paravents+ pour cacher différents délits, comme la fraude ou l'évasion fiscale". Sur un de ces comptes, découvert en 2004, "environ 180 millions d'euros ont transité en deux ans", écrivait la Repubblica.