Le géant allemand de l'énergie EON s'est doté lundi d'un nouveau chef, marquant un changement d'ère et le retour à plus de modestie après des années de croissance flamboyante, mais ruineuse.
Le conseil de surveillance a annoncé, sans surprise, que l'actuel directeur opérationnel ou numéro deux d'EON, Johannes Teyssen, 49 ans, prendrait les fonctions de président du directoire à partir du 1er mai 2010, selon un communiqué.
D'ici là, ce juriste de formation ayant effectué l'essentiel de sa carrière cdans l'entreprise devra cohabiter avec le patron sortant Wulf Bernotat, dont le départ était annoncé.
A la tête d'EON depuis 2003, M. Bernotat laisse un héritage controversé pour un groupe au chiffre d'affaires dépassant 86 milliards d'euros l'an dernier.
Ces dernières années, le géant du gaz et de l'électricité a mené une flamboyante campagne d'acquisitions internationales, qui a fait exploser ses dettes.
Si cette politique a eu la bénédiction des actionnaires tant que la flambée des prix de l'énergie permettait de dégager des bénéfices mirobolants, l'heure est au retour à la modestie, alors que l'action EON a vu sa valeur divisée par deux depuis début 2008.
Avant même de prendre les manettes, M. Teyssen a déjà mis sur pied un programme d'économies de 1,5 milliard d'euros, présenté le 8 août après des négociations houleuses avec les syndicats. EON, qui compte 93.500 salariés, a dû promettre de renoncer dans l'immédiat à tout licenciement sec.
La presse allemande a d'ailleurs souligné que le futur patron d'EON bénéficiait d'une bonne réputation auprès des partenaires sociaux, qui lui sera précieuse en ces temps d'austérité. M. Bernotat se serait au contraire attiré leur antipathie par une attitude jugée arrogante.
M. Teyssen devra aussi réduire le périmètre d'un groupe devenu géant.
L'objectif est double: céder des activités les moins rentables, et amadouer les autorités de la concurrence, allemandes comme européennes, qui s'agacent de la domination écrasante du groupe sur certains marchés.
Au total, EON prévoit de vendre des activités pesant une dizaine de milliards d'euros. La transaction la plus lourde semble sur le point d'être bouclée: la vente de la filiale Thüga, qui rassemble une centaine de participations dans des fournisseurs d'électricité locaux et devrait être rachetée pour 3 milliards par un consortium de communes.
Mais il reviendra peut-être à M. Teyssen de boucler une autre cession difficile: celle du réseau de lignes à haute tension d'EON en Allemagne, réclamée par Bruxelles.
En attendant, la cohabitation entre les deux patrons, sortant et désigné, sera une période délicate.
Les journaux ne manquent pas d'opposer les caractères des deux hommes, entre un Bernotat assoiffé de reconnaissance internationale, et un Teyssen terre-à-terre.
Ce supporter du FC Bayern, qui dit préférer au golf les stades "où l'on décapsule sa bière avec les dents", assure aussi s'inspirer pour ses discours de l'irréductible Gaulois Astérix.
Pour reprendre le titre de l'une de ces bandes dessinées, M. Bernotat et M. Teyssen devront éviter d'engager un "Combat des chefs" semblable à celui qui avait déchiré le grand rival d'EON, le groupe RWE.
Ce dernier avait tenté une transition en douceur, en prévoyant une cohabitation de trois mois entre le patron sortant Harry Roels et son successeur désigné Jürgen Grossman. Mais M. Roels avait claqué la porte, refusant de partager son fauteuil.