L'ancien directeur financier de Vivendi Universal, Guillaume Hannezo, a témoigné mardi à New York que l'ancien PDG, Jean-Marie Messier, avait "sous-estimé le problème de la dette" colossale accumulé par le groupe.
M. Hannezo, interrogé par l'avocat d'actionnaires estimant avoir été trompés par la communication euphorique du groupe dans les années 2000-02, a convenu que "M. Messier avait sous-estimé le problème que pouvait représenter l'endettement" du groupe en cas de chute des marchés, affirmant "nous n'avons pas besoin de cash, nous n'avons pas de problème de dette".
Il s'est cependant défendu d'avoir dérogé à ses obligations en ne communiquant pas ses motifs d'inquiétude hors des murs du groupe, auprès du public ou des analystes. "Je ne couvrais rien d'illégal", a-t-il dit, selon un transcript de l'audience obtenu par l'AFP.
"Pour ce qui est des actionnaires, ceux qui étaient au conseil d'administration savaient très bien que j'avais des réserves", a-t-il affirmé.
"Au-delà du conseil d'administration, je ne crois pas que ce soit le travail du directeur financier de dire à la presse +je ne suis pas d'accord avec cette décision de la direction, même si elle est parfaitement légale et parfaitement publique, je veux juste vous dire que je ne suis pas d'accord+. Personne ne fait ça", a plaidé M. Hannezo.
Par ailleurs M. Hannezo, visé comme Messier par des poursuites en nom collectif intentées par des actionnaires, a également pris ses distances par rapport au diagnostic selon lui "très dramatique" de Jean-René Fourtou, porté à la direction du groupe en juillet 2002 après l'éviction de Jean-Marie Messier.
M. Fourtou avait affirmé peu de temps après son arrivée à la tête du groupe qu'il était au bord de la faillite.
"Ce qui était erroné (de la part de M. Fourtou), c'était de dire que le groupe était à quelques jours du dépôt de bilan, comme il l'a dit. C'était faux", a affirmé M. Hannezo.
A plusieurs reprises l'avocat des plaignants a tenté de faire dire à M. Hannezo que Vivendi Universal avait traversé une crise de liquidités, qui avait été cachée aux actionnaires, mais M. Hannezo a esquivé.
"Vivendi a toujours honoré ses obligations, toutes ses obligations, et il n'y a jamais eu une seule facture qui n'ait pas été payée à l'heure par Vivendi Universal. En ce sens il n'y avait pas de crise de liquidités. Il y avait une inquiétude sur les liquidités" engendrée, selon M. Hannezo, par la "crise de confiance" dans l'équipe dirigeante du groupe. "C'est là la vraie origine de la crise", a-t-il affirmé.
Des témoins ont déjà indiqué lors de ce procès fleuve, ouvert il y a trois semaines, que des banques avaient refusé à la mi-2002 de reconduire des lignes de crédit, comme l'exigeaient des agences de notation financière, tant que M. Messier resterait à la barre du groupe.
M. Messier avait soudainement été évincé, cédant la place à M. Fourtou, qui avait réussi en quelques jours à trouver de nouveaux crédits.
"La réalité de la situation c'est que même si les lignes de crédit n'avaient pas été renouvelées, Vivendi avait encore en moyenne (...) environ trois mois, et en fait la ligne de crédit ouverte en juillet n'a pas été utilisée avant octobre ou novembre, c'est un fait", a souligné M. Hannezo.
L'ancien directeur financier et bras droit de M. Messier doit comparaître durant au moins trois jours au cours de ce procès potentiellement très onéreux pour Vivendi.
Le recueil des notes d'avertissements qu'il avait adressées à M. Messier au moment même où Vivendi Universal vantait au public une situation financière florissante sont une pièce maîtresse de l'accusation.
Le procès à New York se poursuit alors qu'à Paris le juge Jean-Marie d'Huy a renvoyé en correctionnelle MM. Messier et Hannezo et cinq autres anciens hauts responsables du groupe.