Un raz de marée de capitaux spéculatifs en Asie pousse à la hausse les monnaies régionales, faisant craindre des tensions politiques croissantes entre des pays tentés par des mesures protectionnistes qui allégeraient le fardeau de leurs exportateurs.
Si cet afflux de capitaux étrangers est une marque de la confiance des investisseurs envers une région qui a échappé au pire de la crise économique mondiale, il rend en même temps les produits asiatiques plus chers sur les marchés internationaux.
La Corée du Sud, qui accueillera les 22-23 octobre les ministres des Finances du G20 puis un sommet en novembre, a déjà mis en garde contre les tentations protectionnistes générées par cette situation. Protectionnisme contre lequel elle veut lutter "avec fermeté".
Mais alors que certains parlent déjà de "guerre des monnaies", le Japon a mis en cause l'objectivité de Séoul, accusé de vendre régulièrement d'importantes quantités de wons sur les marchés pour en abaisser la valeur afin de favoriser ses entreprises face à la concurrence mondiale.
De leur côté, les Etats-Unis, à moins d'un mois des élections de mi-mandat, font pression sur la Chine pour qu'elle laisse grimper le yuan contre le dollar. Mais Pékin, qui garde fermement le contrôle de son taux de change, résiste et refuse d'être le "bouc émissaire" des difficultés économiques américaines.
"Le décor est maintenant planté pour des frictions et une possible instabilité avant la réunion du G20 de novembre", commente Mitul Kotecha, analyste au Crédit Agricole.
Le dollar évolue depuis le début du mois à ses niveaux les plus faibles depuis janvier par rapport à un panier de grandes monnaies étrangères.
Parallèlement, plusieurs économies asiatiques souffrent de voir leur monnaie grimper face au billet vert.
Face à cette situation, le Japon est intervenu mi-septembre sur le marché des changes, pour la première fois depuis six ans, pour freiner -en vain- la hausse du yen. La Thaïlande tente également de limiter l'envolée du baht par des mesures pour ralentir l'arrivée de capitaux étrangers.
"Les retombées d'un dollar faible et d'un yuan artificiellement bas sont ressenties dans les pays émergents", note Jane Foley, spécialiste du marché des changes à Rabobank International à Londres.
Selon l'institut International Finance, les pays émergents devraient recevoir, en solde net, 825 milliards de dollars en 2010, contre 581 milliards en 2009. Sur ce total, l'Asie devrait recevoir environ 343 milliards cette année, contre 337 l'an dernier.
Face à ce raz de marée, les banques centrales sont tiraillées entre l'envie d'augmenter les taux d'intérêts pour contrôler l'inflation et la crainte que cette décision n'attire encore plus de capitaux.
Ainsi, même si "cela va peut-être à l'encontre de la liberté de commerce", "il est facile de comprendre que certains gouvernements, y compris le Brésil, la Thaïlande et la Corée du Sud, soient intervenus pour essayer de compenser ce flot", commente Jane Foley.
Si les responsables politiques asiatiques ne semblent de toute façon pas en mesure de tarir l'afflux de capitaux, ils pourraient malgré tout, sous la pression de leurs exportateurs, prendre de nouvelles mesures pour les soulager.
"Nous nous attendons à plus d'intervention et à une augmentation des réserves de changes dans les pays émergents d'Asie ainsi qu'à plus de contrôles réglementaires pour réduire l'afflux de capitaux", ont écrit des consultants de Capital Economics à leurs clients.
"Malgré tout, l'approche régionale restera probablement une réponse mesurée et raisonnable pour modérer le flux et ralentir la hausse (des monnaies) plutôt que bannir les capitaux (étrangers) et faire baisser les devises".