par Alastair Macdonald et Philip Blenkinsop
BRUXELLES (Reuters) - Michel Barnier, chargé de négocier avec Londres les modalités de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, a estimé mardi qu'un accord avec les autorités britanniques devrait être conclu d'ici octobre 2018 si la Première ministre britannique Theresa May invoque comme prévu l'article 50 du Traité de Lisbonne avant le 31 mars prochain.
L'ancien commissaire européen a expliqué qu'il faudrait conclure les négociations sur le Brexit en moins de 18 mois pour que le processus de ratification de l'accord puisse ensuite être mené à bien en respectant le délai total de deux ans prévu par l'article 50.
"Il est clair que la période de négociations durera moins de deux ans", a déclaré Michel Barnier à l'occasion de sa première conférence de presse depuis qu'il a pris ses fonctions de négociateur en chef du Brexit, début octobre.
"Au total, il y aura moins de 18 mois pour négocier", a-t-il insisté. "Le temps est compté. Si le Royaume-Uni informe le Conseil européen d'ici fin mars, on peut dire que les négociations commenceront quelques semaines plus tard et qu'un accord sur l'article 50 sera conclu avant octobre 2018".
Il a ajouté qu'il ne serait pas possible de "tout faire" dans un délai aussi court, excluant notamment de régler dans le même temps la question des futures relations entre Londres et les Vingt-Sept qui représenteront, a-t-il dit, un enjeu différent sur le plan juridique.
"Nous nous aventurons dans des eaux inconnues, le travail va être juridiquement complexe et politiquement délicat", a noté Michel Barnier.
BARNIER ET MERKEL SOULIGNENT L'ENJEU DES "QUATRE LIBERTÉS"
Concernant la question du calendrier, un porte-parole de Theresa May a indiqué que le gouvernement britannique n'entendait pas prolonger le processus de négociations au-delà de la période des deux années prévue par le Traité de Lisbonne.
Le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson a jugé mardi que cette période de 18 mois serait "absolument suffisante" pour conclure "un grand accord pour le Royaume-Uni et pour le reste de l'Europe".
Michel Barnier a rappelé que Bruxelles ne permettrait pas au gouvernement britannique de choisir ce qui l'arrange parmi les quatre grandes libertés garanties par le marché unique - libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes, cette dernière posant problème à Londres.
"Le marché unique et ses quatre libertés sont indivisibles. Le choix à la carte n'est pas une option", a-t-il insisté.
Le négociateur de l'UE a dit ignorer ce que signifie "Brexit dur ou doux", mais il a prévenu le Royaume-Uni qu'un pays tiers "ne peut pas avoir les mêmes droits et avantages (que les Etats membres) puisqu'il n'est pas soumis aux mêmes obligations".
Cette position a été reprise par Angela Merkel, qui a affirmé devant le congrès de la CDU, son parti, que les Vingt-Sept n'autoriseraient pas les Britanniques à "prendre ce qui les arrange".
"Les quatre libertés fondamentales doivent être protégées. Un accès au marché unique est seulement possible dans ce cas", a dit la chancelière allemande.
"GARDEZ VOTRE CALME ET NÉGOCIEZ"
Soulignant qu'il est difficile d'évoquer le déroulement de la période de transition tant que Londres n'a pas clairement affiché ses intentions et ses demandes, Michel Barnier a terminé par un message à l'intention de Theresa May: "Nous sommes prêts. Gardez votre calme et négociez."
A la demande du Parti travailliste, le gouvernement britannique a par ailleurs accepté de présenter ses projets concernant l'avenir des relations avec l'UE avant l'ouverture formelle des négociations avec Bruxelles, mais il a invité les parlementaires à respecter le calendrier qu'il a fixé.
On ignore pour le moment ce qui sera dévoilé.
En accordant cette concession au Labour, la Première ministre cherche aussi à éviter une fronde d'une partie des élus conservateurs, qui souhaitent eux aussi que les modalités de son projet de divorce soient présentées avant l'invocation de l'article 50.
La motion en ce sens déposée par le Parti travailliste précisé qu'"aucune révélation jugée susceptible de nuire au Royaume-Uni dans le cadre de négociations sur la sortie de l'Union européenne ne doit être faite".
Theresa May et son gouvernement attendent par ailleurs l'arrêt de la Cour suprême britannique, qui a commencé lundi l'examen d'une requête sur l'obligation d'une approbation parlementaire avant le recours à l'article 50.
Si la Cour suprême confirme l'arrêt de la Haute Cour de Londres dont elle est saisie en appel, le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de présenter un projet de loi aux députés avant d'engager la procédure de sortie de l'UE.
May et ses ministres soutiennent qu'ils n'ont pas à passer par la case législative en raison d'une "prérogative" qui, selon la tradition constitutionnelle, permet au pouvoir exécutif de prendre certaines décisions sans approbation parlementaire.
(Alastair Macdonald et Marilyn Haigh; Tangi Salaün et Pierre Sérisier pour le service français, édité par Jean-Philippe Lefief)