La Commission européenne a opposé son veto mercredi à la fusion entre NYSE Euronext et Deutsche Börse, empêchant ainsi la création du premier opérateur boursier au monde en invoquant un risque de trop forte concentration.
Cette fusion "aurait entraîné une situation de quasi-monopole" sur le marché international des produits financiers dérivés européens, a expliqué le commissaire européen à la Concurrence, Joaquin Almunia, au cours d'une conférence de presse.
Les dérivés sont des produits financiers liés à d'autres actifs (taux de changes, taux d'intérêt...). "Ces marchés sont au coeur du système financier et il est essentiel qu'ils restent concurrentiels dans l'intérêt de l'ensemble de l'économie européenne", selon M. Almunia.
Ce veto, largement attendu malgré les efforts déployés jusqu'au dernier moment par les deux parties pour convaincre la Commission, met fin à leur ambition de constituer le premier opérateur boursier mondial.
Le projet de fusion prévoyait que le holding serait détenu à 60% par les actionnaires de Deutsche Börse et à 40% par ceux de NYSE Euronext, qui gère les places de New York, Paris, Bruxelles, Amsterdam ou encore Lisbonne.
La Commission a été sourde aux arguments des deux groupes selon lesquels le marché des produits dérivés est mondial et pas seulement européen, et d'autre part la très large majorité de ces échanges se font de gré à gré, c'est-à-dire en dehors des places boursières.
Les deux entités contrôlent déjà "plus de 90% des transactions mondiales" en matière de dérivés basés sur des taux d'intérêt européens. Leurs plateformes spécialisées Eurex (Deutsche Börse) et Liffe (NYSE Euronext), sont en effet "en concurrence directe et chacune est pour l'autre le principal concurrent", souligne la Commission.
Dans ce contexte, "de nouveaux concurrents auraient peu de chances de parvenir à s'imposer", et cette situation aurait pu également "avoir des conséquences négatives sur l'innovation", selon elle.
Quant aux dérivés échangés de gré à gré, ce ne sont pas les mêmes produits que ceux échangés sur les plateformes boursières, a souligné M. Almunia.
Il a également balayé l'argument de ceux qui défendaient la fusion dans l'optique de créer un champion européen, soulignant ironiquement qu'il avait été soulevé "depuis Wall Street", siège de NYSE.
La décision n'a cependant pas été prise sans qu'un débat soit organisé au sein du Collège des commissaires mercredi matin à la demande de Michel Barnier.
Le commissaire chargé des services financiers "a exprimé sa propre évaluation de l'évolution probable des marchés en cause", compte tenu notamment des "développements mondiaux de ces marchés", selon une source proche de M. Barnier, qui a ajouté que pour lui, "il était important qu'il y ait un débat sur une question aussi importante".
M. Almunia a reconnu que Michel Barnier avait émis "des réserves".
Dans des communiqués séparés, Deutsche Börse et NYSE Euronext, qui avaient annoncé la décision avant la Commission, ont fait part de leur "déception" et ont exprimé leur intention de poursuivre désormais leurs activités chacun de leur côté.
"C'est un jour noir pour l'Europe et pour sa compétitivité future sur les marchés financiers mondiaux", a déclaré Reto Francioni, le patron de Deutsche Börse, tout en soulignant que l'opérateur allemand avait "suffisamment de force pour continuer à croître sans la fusion".
De son côté NYSE Euronext a déclaré qu'il entendait désormais se concentrer sur sa stratégie de diversification de ses activités, alors qu'il dépend encore trop des échanges d'actions, segment où les marges sont faibles et la concurrence des Bourses alternatives de plus en plus forte.
Pour consoler ses actionnaires, NYSE Euronext a en outre indiqué vouloir reprendre en février son programme de rachat d'actions, qui porte sur 550 millions de dollars (418 millions d'euros).
Le titre NYSE Euronext perdait 0,95% à 20,41 euros à Paris vers 12H30 GMT tandis qu'à Francfort, celui de Deutsche Börse progressait de 1,03% à 45,46 euros.