La France n'a pas bonne presse au pays du raïs Omar el-Béchir, mais son fleuron Areva occupe néanmoins la pole position dans le secteur aurifère de ce géant d'Afrique qui demeure "sous-exploré", selon l'industrie et les autorités.
"Le potentiel minier du Soudan est totalement sous-exploré", explique Nicole Blanchard, du groupe canadien La Mancha, filiale détenue à près des deux-tiers par le français Areva et inscrite à la Bourse de Toronto.
"Le Soudan est un pays immense dans lequel il y a sûrement d'autres gisements de la taille du nôtre. Le pays est sous-prospecté", renchérit un haut responsable de la compagnie Ariab, qui exploite depuis 20 ans la plus grosse mine d'or du pays, à Hassaï, dans le nord-est.
Ariab, partenariat entre La Mancha et le gouvernement soudanais, détient une concession de 30.000 km2, l'équivalent de la superficie de la Belgique, dans la région géologique du bouclier Arabo-Nubien.
Plus d'une vingtaine de concessions aurifères ont été attribuées par les autorités soudanaises, principalement entre le Nil et la mer Rouge, selon le ministère des Mines, mais cette production demeure pour l'heure marginale comparativement à la mine Hassaï où 60.000 onces d'or ont été extraites du désert soudanais l'an dernier.
Attirés par la ruée vers l'or dans le nord du pays, des milliers d'orpailleurs travaillent sur ces concessions au grand dam de l'industrie minière. "Certains exploitent sur nos concessions, c'est inadmissible", déplore un responsable d'Ariab.
Le ministre soudanais des mines Abdel Baqi al-Jaylani s'est rendu en France à la mi-juillet où il a visité le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à Orléans. Il dit aujourd'hui vouloir "rétablir" la collaboration entre cet établissement public et le gouvernement de Khartoum.
"Nous voulons compléter une carte détaillée de la géologie du Soudan (avec le BRGM) afin de permettre au gouvernement soudanais de commercialiser son potentiel minier à l'échelle internationale", explique à l'AFP M. Jaylani.
Ce dernier s'était aussi entretenu à Paris avec le chef de la diplomatie Bernard Kouchner. "J'ai dit à M. Kouchner: +laissez la politique de côté... vous devez protéger vos intérêts au Soudan. Car si vous vous éloignez du Soudan, d'autres vont venir à votre place", souligne M. Jaylani.
Car la France n'a pas bonne presse au Soudan, malgré une légère accalmie au cours des derniers mois.
Soutien à la Cour pénale internationale (CPI) - qui a délivré un mandat d'arrêt pour génocide contre le président Omar el-Béchir -, accueil d'un leader de la rébellion du Darfour, présence militaire au Tchad voisin, les griefs sont multiples contre Paris.
Mais ces désaccords ne semblent pas freiner la collaboration entre le gouvernement de Khartoum et la filiale d'Areva.
Le canadien La Mancha, filiale d'Areva, a annoncé fin juillet des résultats de prospection "hautement prometteurs" dans les Monts Nuba, région politiquement sensible située à la lisière du Nord et du Sud-Soudan. D'autant que le Sud-Soudan doit se prononcer en 2011 sur son indépendance lors d'un référendum.
"Le potentiel minier des Monts Nuba est tout à fait inexploré et les relations de longue date entre Areva/La Mancha et le gouvernement soudanais devraient permettre un bon environnement pour l’exploration de cette région", souligne Mme. Blanchard.
Le projet des Monts Nuba est partagé à 70% pour La Mancha et 30% pour les autorités soudanaises. Une campagne de forage est prévue l'an prochain afin de confirmer ces résultats préliminaires.