Quelques semaines avant que Bruxelles ne propose les grandes lignes de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) après 2013, la répartition des aides directes aux agriculteurs et leur niveau sèment la zizanie chez les ministres européens concernés.
L'enjeu est de taille alors que s'annoncent déjà les discussions sur l'avenir du budget européen après 2013, dans un contexte de finances publiques exsangues.
Les subsides de la PAC (59,8 milliards d'euros en 2009, autour de 40% du budget de l'UE) sont l'objet de convoitises et de jalousies entre pays agricoles et non agricoles, mais aussi anciens et nouveaux membres de l'UE.
"Ce sera un vif combat. Le commissaire (européen à l'Agriculture Dacian Ciolos) devra défendre son budget", a reconnu mardi la ministre allemande Ilse Aigner, en marge d'une réunion informelle avec ses homologues à La Hulpe, en Belgique.
Principale avancée du débat, personne ne conteste ouvertement parmi les 27 la nécessité de préserver une PAC à deux piliers (aides aux exploitants et mesures de marchés d'une part, dépenses d'aménagement du territoire de l'autre), a indiqué la ministre belge Sabine Laruelle, dont le pays préside l'UE.
En revanche "sur la façon de calculer les paiements directs, et de les distribuer, il n'y a pas de consensus", a-t-elle reconnu.
La semaine dernière, décidés à peser, Français et Allemands ont publié une position commune en faveur d'une PAC forte qui aujourd'hui "rassemble plus de 20 Etats sur 27", s'est réjoui le Français Bruno Le Maire.
Le texte insiste entre autres sur la nécessité de filets de sécurité et d'instruments de régulation du marché pour compenser les variations de cours.
Sans être parvenus à se mettre d'accord sur le maintien d'un budget constant de la PAC, Paris et Berlin, principaux bénéficiaires avec l'Espagne des dépenses agricoles européennes (respectivement 10,44, 7,5 et 7,48 milliards d'euros en 2009), y plaident pour "des ressources à la hauteur de nos ambitions".
Français et Allemands opposent aussi une fin de non-recevoir --une "ligne rouge" pour M. Le Maire-- à l'idée d'un taux unique de distribution des aides, avancée par la Pologne et d'autres Etats d'Europe de l'Est qui s'estiment lésés par l'actuelle clé de répartition fondée sur des niveaux de production historiques.
Ce qui fait dire au ministre polonais Marek Sawicki que la position franco-allemande n'est autre qu'une "position très conservatrice, qui ne défend que les intérêts des agriculteurs français et allemands".
"Il n'y aura pas de révolution de la PAC et une révolution de la PAC n'est pas souhaitable", rétorque M. Le Maire, selon lequel en dehors de la question de la répartition du gâteau, "la Pologne partage la philosophie" du projet franco-allemand.
Au bout du compte, "chacun cherche les critères les plus intéressants pour lui", a résumé le ministre italien Giancarlo Galan.
Bruxelles entend présenter les grandes lignes de sa proposition de réforme le 17 novembre, afin de proposer des mesures concrètes en juillet 2011.
Si la méthode envisagée consistera à s'entendre sur les objectifs de la PAC avant de parler argent, les 27 devront d'ici là aussi se pencher sur un autre sujet qui fâche, le chèque britannique.
La dame de fer, Maggy Thatcher, avait obtenu dans les années 1980 ce rabais de ses contributions au pot commun européen, au motif qu'il y avait alors trop de dépenses agricoles. Londres, qui considère "inévitable" à terme la suppression des aides directes, se dit jusqu'ici intraitable à ce propos.
La question du budget européen pourrait être au coeur du sommet des dirigeants de l'UE en décembre, juge un diplomate britannique.