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Salaires, inflation: Berlin lâche du lest en direction de ses partenaires européens

Publié le 10/05/2012 18:20
Mis à jour le 10/05/2012 19:00

L'Allemagne semble renoncer à quelques-uns des piliers de son économie en lâchant du lest sur l'inflation et les salaires, dans un geste de conciliation à l'égard de ses partenaires européens, aux prises avec l'austérité et qui la pressent de soutenir davantage la croissance.

Ce ne sont que deux petites phrases mais lourdes de sens dans un pays qui défend à tout crin l'austérité, au risque d'être de plus en plus isolé en Europe.

La première est du ministre des Finances Wolfgang Schäuble, qui lâche en début de semaine: "C'est normal si les salaires augmentent chez nous actuellement plus fortement que dans tous les autres pays de l'Union européenne".

Berlin donne donc sa bénédiction aux hausses de salaires de plus de 6% déjà obtenues par les fonctionnaires ou les salariés de Deutsche Telekom, et aux revendications encore en cours de négociation, par exemple d'une revalorisation similaire pour le gigantesque secteur de la métallurgie.

En Allemagne, le gouvernement n'influence pas directement les négociations salariales, qui sont l'affaire du patronat et des syndicats.

Mais la remarque de M. Schäuble est révélatrice, surtout qu'elle arrive après que le parti CDU de la chancelière Angela Merkel a fixé les grandes lignes de l'introduction de salaires minimum sectoriels dans le pays.

La deuxième phrase vient de la gardienne du temple de l'orthodoxie monétaire, la Bundesbank.

La banque centrale allemande écrit dans un rapport que "l'Allemagne pourrait dans le futur avoir un taux d'inflation plutôt supérieur à la moyenne de la zone euro".

Elle fermerait donc les yeux sur un léger dérapage des prix, qui rendrait les marchandises "made in Germany" moins concurrentielles et améliorerait en conséquence la compétitivité de ses voisins en difficulté.

La concession est d'importance de la part d'une institution qui cristallise l'attachement des Allemands à une monnaie forte, nourri du souvenir de l'hyper-inflation ayant précédé l'arrivée des nazis au pouvoir.

M. Schäuble a certes précisé jeudi qu'il n'était pas question pour l'Allemagne de tolérer une flambée incontrôlée des prix, mais glissé qu'une inflation "de 2 à 3% était acceptable". Là où l'objectif officiel de la Banque centrale européenne (BCE) est de "moins de 2%".

L'Allemagne semble ainsi répondre au reproche qui lui est constamment adressé, à savoir qu'elle doperait égoïstement ses exportations en contenant salaires et prix, au mépris des autres pays européens.

A première vue pourtant, la première économie européenne peut se permettre de rester sourde à ces critiques, et en particulier au président élu français François Hollande, qui la presse de porter plus d'attention à la croissance.

Jusqu'ici, l'Allemagne snobe la crise en zone euro, affichant des exportations et des commandes industrielles dépassant toutes les attentes.

"Les exportations ont montré une résistance inattendue grâce aux pays hors zone euro", admet Christian Ott, économiste chez Natixis à Francfort. "Mais à long terme l'Allemagne ne peut se détacher d'une région qui pèse 40%" de ses ventes, assure-t-il.

Pour Christian Schulz, de la banque Berenberg, "l'Allemagne aide ses amis" en exportant moins vers la zone euro et en important plus depuis cette région, faisant même office de "courroie de transmission de la croissance mondiale" en Europe.

Aucune raison donc pour Mme Merkel d'aller au "clash" avec la zone euro ou la France, comme le redoute jeudi l'ancien Premier ministre français Michel Rocard.

La chancelière, candidate à sa propre succession aux législatives de l'automne 2013, a d'autres raisons d'adoucir son discours.

"D'une part elle défend sa réputation de garante de la vertu budgétaire, ce qui passe bien auprès de la population. D'autre part en laissant entendre que les gens doivent profiter de la croissance, et le message de M. Schäuble va clairement dans ce sens, elle enlève des arguments à la gauche", analyse la politologue Claire Demesmay.

La chancelière a cependant martelé jeudi qu'elle refusait toute croissance "à crédit". La générosité de Berlin s'arrêtera donc là où commence sa règle d'or budgétaire.

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