La Cour de justice de la République (CJR), qui a examiné vendredi le rôle de Christine Lagarde dans l'affaire Tapie, lui a offert un répit en repoussant au 8 juillet sa décision sur une éventuelle enquête pour abus d'autorité contre la ministre de l'Economie.
Le 8 juillet, lors de sa prochaine séance, la commission des requêtes de la CJR aura trois possibilités: classer sans suite, ouvrir une enquête ou demander des informations supplémentaires avant de trancher.
Cette annonce survient alors qu'expire vendredi soir le dépôt des candidatures à la direction générale du Fonds monétaire international (FMI), un poste pour lequel la ministre de l'Economie est pressentie. Le FMI souhaite nommer son directeur général avant la fin du mois.
Fin mai, Mme Lagarde avait assuré qu'elle "maintiendrait" sa candidature, qu'il y ait ou non une enquête lancée à son encontre dans le dossier de l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie dans la vente litigieuse d'Adidas par le Crédit lyonnais en 1993.
"Cela ne me fait ni chaud ni froid. Cela donnera un peu plus de temps à ceux qui doivent regarder l'ensemble des pièces du dossier (...) Cela ne change strictement rien", a-t-elle réagi vendredi depuis Lisbonne où elle assistait aux assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD).
Priée de dire si elle était toujours "aussi confiante" dans les chances de succès de sa candidature au FMI, la ministre a répondu: "oui".
Si le 8 juillet, la CJR jugeait recevable la requête contre Mme Lagarde et rendait un avis favorable à l'ouverture d'une enquête, la ministre pourrait toutefois bénéficier d'un nouveau répit.
En effet, en temps normal, le procureur général près la Cour de cassation saisit quasiment immédiatement la commission d'instruction, le plus souvent dans les 24 heures. Ce fut le cas récemment pour l'ancien ministre Eric Woerth.
Seulement, le procureur général actuel, Jean-Louis Nadal, part à la retraite le 30 juin. Or à ce jour, aucun nouveau magistrat n'a été nommé pour lui succéder. Le 8 juillet, il n'y aura donc aucun procureur général en fonction pour saisir la commission d'instruction.
Et cet intérim au parquet général pourrait durer des semaines, voire des mois. Si la commission des requêtes décidait de poursuites envers Christine Lagarde, celle-ci pourrait donc être à l'abri des investigations pendant une longue période.
Si la commission d'instruction était finalement saisie, débuteraient de longues investigations qui pourraient aboutir au renvoi de Christine Lagarde devant la formation de jugement de la CJR, chargée de juger les crimes et délits commis par les membres du gouvernement "dans l'exercice de leurs fonctions".
Le 10 mai, le procureur général Nadal avait saisi la commission des requêtes de la CJR. Il estimait qu'il existait des éléments justifiant l'ouverture d'une enquête pour abus d'autorité contre Christine Lagarde.
En 2007, elle avait ordonné la désignation de trois juges arbitres pour trancher ce contentieux. En juillet 2008, ce tribunal arbitral avait condamné le Consortium de réalisation (CDR, gérant le passif du Lyonnais) à verser 240 millions d'euros de réparation à Bernard Tapie, auxquels s'ajoutaient une centaine de millions d'euros d'intérêts et 45 millions d'euros pour préjudice moral.
Le parquet général reproche notamment à Mme Lagarde d'avoir recouru à un arbitrage alors qu'il s'agissait de deniers publics et de ne pas avoir exercé de recours contre la sentence arbitrale, alors que plusieurs spécialistes l'y encourageaient.