Le président français François Hollande a réussi à imposer le sujet des euro-obligations dans le débat européen sur la croissance au cours d'un sommet informel de l'UE dans la nuit de mercredi à jeudi, en dépit des réticences de la chancelière allemande Angela Merkel.
M. Hollande était arrivé à Bruxelles avec la ferme intention de promouvoir la création de ces euro-obligations, ou eurobonds, une forme de mutualisation des dettes au sein de la zone euro.
Mme Merkel a semblé balayer d'un revers de manche cet instrument défendu de longue date par la Commission européenne en affirmant que "les euro-obligations ne sont pas une contribution à la croissance". Une position partagée par la Finlande, les Pays-Bas ou encore la Suède, pour qui ces eurobonds n'inciteraient pas les pays fragiles à la vertu budgétaire.
Mais M. Hollande a insisté et réclamé que "la perspective" des euro-obligations soit "inscrite" au menu de l'Union européenne en vue du sommet des 28 et 29 juin.
Il a pu s'appuyer sur de nombreux soutiens, à commencer par celui de la Commission européenne, qui avait été la première à promouvoir cette idée, mais aussi celui du président du Conseil italien Mario Monti.
"La majorité des pays s'est dite en faveur des eurobonds, même des pays qui ne sont pas dans la zone euro comme la Grande-Bretagne", a souligné M. Monti à l'issue du sommet.
L'OCDE et la directrice générale du Fonds monétaire internationale, Christine Lagarde, étaient entrés dans le débat mardi, suggérant que les euro-obligations pourraient bénéficier à la zone euro en crise.
A l'issue du sommet, Mme Merkel est restée sur sa position mais a jugé que le débat sur la question avait été "très équilibré".
M. Hollande a aussi obtenu une feuille de route: le président de l'UE, Herman Van Rompuy, a annoncé qu'il présenterait en juin un rapport sur les principales étapes en vue de l'"approfondissement de l'Union monétaire". Il a cité parmi les pistes de travail "les euro-obligations dans une perspective de long terme, une supervision des banques plus intégrée et un schéma commun de garantie des dépôts" bancaires.
Ce rapport se fera en "coopération étroite" avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, celui de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, et celui de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a dit M. Van Rompuy.
Il "consistera en une méthode et définira des étapes", a-t-on expliqué dans l'entourage de M. Barroso. "Le tabou sur les eurobonds est levé, il y a une reprise de la dynamique, reste à écrire le scénario", souligne-t-on.
De même source, on souligne que "François Hollande a bien joué: il sait ce qu'il veut et il sait ne pas aller trop loin. Il veut une perspective".
"Le débat sur les eurobonds est relancé", s'est également réjoui M. Juncker.
Le dîner a aussi été l'occasion d'explorer d'autres pistes de relance de la croissance, dont l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui pourrait se concrétiser lors du sommet de juin, ou encore la réorientation de fonds structurels européens ou la taxe sur les transactions financières.
Après quatre heures de discussions sur la croissance, les 27 se sont aussi penchés sur la Grèce, sur fond de doutes quant à une sortie du pays de la zone euro. Les Bourses européennes ont fortement chuté mercredi et l'euro est passé sous 1,26 dollar pour la première fois depuis l'été 2010.
Le marché a été agité par des informations selon lesquelles les membres de l'Union monétaire prépareraient des plans de secours en cas de sortie de la Grèce, ce qu'un diplomate européen a confirmé à l'AFP, mais qu'Athènes a fermement démenti.
Les 27 se sont mis d'accord sur une déclaration que M. Van Rompuy a lue à l'issue du sommet, affirmant leur désir que "la Grèce reste dans la zone euro et respecte ses engagements", à l'issue des élections législatives du 17 juin dans le pays.
"Poursuivre les réformes cruciales pour revenir à une dette soutenable, encourager les investissements privés et renforcer les institutions (de la Grèce) sont les meilleures garanties d'un avenir meilleur au sein de la zone euro" et "nous espérons qu'après les élections, le nouveau gouvernement grec fera ce choix", a conclu M. Van Rompuy.