Le taux d'inflation annuel des prix de gros en Inde était négatif début juin, une première depuis 33 ans qui alimente les craintes de déflation et de ralentissement pour la dixième économie mondiale déjà frappée par la récession venue d'Occident.
L'indice hebdomadaire des prix de gros, le plus pertinent en Inde, a dégringolé à -1,61% sur un an au cours de la semaine achevée le 6 juin, contre +0,13% une semaine plus tôt, selon des statistiques officielles rendues publiques jeudi.
Ce chiffre flirtait avec les +13% en août dernier, mais les cours des matières premières, notamment du pétrole, se sont depuis effondrés sous l'effet de la crise économique mondiale.
C'est la première fois depuis 1976 que l'Inde voit son taux d'inflation passer dans le rouge.
"L'inflation a chuté en raison du ralentissement de l'activité industrielle en Inde et de la baisse des prix des métaux et du pétrole", résume Siddhartha Sanyal, économiste du courtier Edelweiss Securities à Bombay.
Son confère de la banque HDFC, Abheek Barua, pointe "un malaise plus profond" et un "environnement hostile" pour l'emploi, les salaires et l'activité de la troisième économie d'Asie.
Pour autant, les économistes se contentent de parler de "désinflation" --c'est à dire d'un reflux de l'inflation-- et non de "déflation" durable, un cercle vicieux que tous les Etats redoutent et qui frappe déjà le Japon et des pays européens.
Cette déflation, qui est une baisse prolongée des prix, est particulièrement pernicieuse et néfaste pour l'économie car elle incite le consommateur à attendre que les prix continuent de chuter avant d'acheter. Ce phénomène de "destruction de la demande", selon la formule de la banque Goldman Sachs, risque de plomber l'activité économique.
Et l'Inde est déjà contaminée par la récession venue des Etats-Unis et d'Europe au second semestre 2008.
Le pays a vu sa croissance ralentir au taux de 6,7% en 2008-2009 (exercice achevé en mars) contre 9% un an plus tôt. Ce chiffre devrait être divisé par deux en 2009-2010, selon le Fonds monétaire international, voire dégringoler à 4%, d'après la Banque mondiale.
Plus optimistes, New Delhi et des analystes indiens comptent sur 5,5% à 7%, une fourchette de toute façon très éloignée d'un taux de croissance à deux chiffres qui permettrait de sortir de la pauvreté les 620 millions d'Indiens vivant avec moins de 1,35 dollar par jour.
Le gouvernement de centre gauche du Parti du Congrès présentera le 6 juillet son budget couplé à un plan de relance par la dépense publique dans les infrastructures --le talon d'Achille de l'Inde-- et espère ainsi donner un coup de fouet à la croissance.
Des économistes craignent toutefois que ces dépenses publiques ne fassent encore gonfler le déficit budgétaire, déjà à 6,2% du PIB, l'un des plus élevés d'Asie.
Alors que le taux d'inflation s'approchait de zéro depuis mars, des experts exhortaient la banque centrale à baisser pour la nième fois ses taux d'intérêt. L'institut monétaire de l'Inde n'a cessé ces derniers mois de réduire son taux "repo" --celui auquel les banques commerciales empruntent-- jusqu'à 4,75%, afin de relancer le moteur du mastodonte asiatique.