Les banques de la zone euro ont leurs caisses pleines, alimentées par des prêts géants de la Banque centrale européenne (BCE), mais elles attendent l'an prochain pour utiliser ces fonds et entre-temps stockent leur argent... auprès de la BCE.
Entre mardi et mercredi, les banques ont déposé 452 milliards d'euros auprès de l'institution monétaire, un montant record.
La veille, ce sont près de 412 milliards qui avaient été entreposés, ce qui a été interprété par certains comme le signe de l'aggravation de leur hésitation à se prêter entre elles. Une lecture contestée toutefois notamment par Luca Cazzulani, directeur adjoint de la division stratégie d'UniCredit.
"Certaines personnes se montrent surprises par le montant de ces dépôts. Or il est naturel, compte tenu du fait que la semaine dernière la BCE a injecté près de 500 milliards de liquidités dans le système et que cet argent ne peut pas disparaître", explique-t-il.
Mercredi dernier, la BCE avait lancé une opération inédite de prêt illimité et à taux fixe sur trois ans pour tenter de mettre le secteur bancaire de la zone euro, malmené en raison de la crise de la dette, à l'abri d'une pénurie de liquidités. Et aussi pour éviter une pénurie du crédit en direction des entreprises et des ménages, préjudiciable à l'investissement et la croissance.
Plus de 500 établissements ont eu recours à cette offre, pour un montant de 489,191 milliards. Les analystes s'attendent à ce que cet argent serve aux banques à rembourser leurs propres échéances, alimente le marché interbancaire et permette d'acheter des obligations des Etats de la zone euro. Mais pas dans l'immédiat.
"Les banques n'allaient pas se ruer sur la dette bancaire ou publique au lendemain de cette opération", résume Cyril Regnat, stratégiste obligataire de Natixis, qui juge que "voir les dépôts auprès de la BCE augmenter de façon importante ces derniers jours est tout sauf une surprise".
Laurent Geronimi, directeur de la gestion des taux chez Swiss Life Gestion privée, rappelle par ailleurs qu'en fin d'année, les opérateurs sont en vacances et les banques "essaient d'afficher les bilans les moins risqués possible".
Cyril Regnat pronostique d'ailleurs la poursuite de ces amples dépôts d'ici la fin des fêtes.
"Mais il ne faut pas en tirer d'enseignement, cela ne peut être que temporaire. Les banques attendent le début d'année pour commencer à allouer les 500 milliards" accordés par la BCE, dit-il.
Une partie de cet argent continuera d'aller à la "facilité de dépôt". Mais tous soulignent que ce n'est pas dans l'intérêt des banques d'en user trop: ces dépôts sont en effet rémunérés à 0,25%, tandis que l'argent emprunté à la BCE l'a été au taux de 1%.
Les banques doivent faire face à des remboursements importants au premier trimestre 2012 -230 milliards d'euros selon la BCE-, et l'argent prêté devrait en grande partie leur servir à honorer leurs dettes.
"Les liquidités en surplus serviront à prêter au secteur privé et public, bien qu'il soit difficile de savoir dans quelle proportion", selon Luca Cazzulani.
Lui comme Cyril Regnat notent un premier signe positif: les taux d'intérêt interbancaires (Euribor) reculent.
"Il y a effectivement des tensions sur le marché interbancaire mais elles se réduisent comme en témoigne la réduction des primes de risque", constate Cyril Regnat, qui juge que "la situation est nettement moins grave qu'au moment de Lehman Brothers". Ce qu'il met au crédit de la BCE, qui a lancé en juillet 2009 sa première opération de prêt à long terme (un an).
"Elle a montré qu'elle est là pour des montants infinis. Sans ce dispostif, on serait dans une situation nettement plus dramatique".