Les remous autour de la famille Bettencourt, premier actionnaire de L'Oréal, épargnent pour le moment le n°1 mondial des cosmétiques, dont le cours de Bourse continue malgré tout de grimper, comme ses ventes.
Sur le plan économique, le groupe est pour l'instant à l'abri du tumulte déclenché ces dernières semaines par la divulgation d'enregistrements pirates réalisés au domicile de Liliane Bettencourt.
Fort d'un chiffre d'affaires qui a grimpé de 12,4% au deuxième trimestre, L'Oréal poursuit son redressement après la crise économique de l'an dernier.
Et sur le plan boursier, l'action du groupe a gagné environ 2% en un mois, quand le CAC 40 perdait 4,8%. En un an, elle a gagné près de 54%, contre 9,4% pour le CAC 40.
Chez les analystes, l'affaire trouve d'ailleurs peu d'écho. Lors d'une récente conférence téléphonique d'une heure avec les dirigeants de L'Oréal, pas un n'a posé une question sur le dossier ou ses éventuelles conséquences.
Du reste, pour le groupe, le "no comment" est de rigueur depuis le début de l'affaire, qui suscite pourtant des questions sur son actionnariat et des inquiétudes sur l'éventuel passage de ce fleuron industriel français sous pavillon étranger.
Liliane Bettencourt elle-même accuse sa fille de vouloir mettre la main sur les actions familiales pour les revendre, ce que dément l'intéressée. Nicolas Sarkozy a aussi évoqué la question le 13 juillet, soulignant son désir que L'Oréal "ne parte pas dans un autre pays".
Avec 31% du capital, les Bettencourt sont les premiers actionnaires du groupe, créé par le père de Liliane Bettencourt en 1909, devant le géant suisse de l'alimentaire Nestlé, qui en possède 29,8%.
Liliane Bettencourt a cédé ses actions à sa fille et ses petits-fils en nue-propriété, n'en gardant que l'usufruit: elle contrôle les droits de vote et touche les dividendes; sa fille et ses petits-enfants détiennent légalement les actions, mais sans pouvoir les céder.
Mais la demande de mise sous tutelle de la milliardaire, renouvelée cette semaine par sa fille, fait naître de nouvelles incertitudes.
Les conséquences d'un tel placement sont, avant tout jugement, difficiles à évaluer, estime Béatrice Collin, professeur de stratégie et coauteur d'un livre sur "Le modèle L'Oréal".
Dans le cas où la milliardaire serait mise sous tutelle, de nouvelles dispositions permettent désormais "de diversifier les modes de gestion des patrimoines sous tutelle, notamment les plus complexes", souligne Anne Caron-Déglise, conseillère à la cour d'appel de Paris.
Quoi qu'il en soit, une tutelle ne remettrait sans doute pas en cause le pacte d'actionnaires entre les Bettencourt et Nestlé, qui s'est récemment prononcé pour le statu quo et dont l'intérêt à prendre le contrôle de L'Oréal n'est pas évident aux yeux de tous les analystes.
Le pacte interdit de toute façon aux deux parties d'accroître leur part jusqu'à six mois après le décès de Liliane Bettencourt. Il leur accorde également jusqu'en 2014 un droit de préemption réciproque si l'une des deux venait à vendre ses actions.
Même si elle est impossible pour le moment, une prise de contrôle par Nestlé pourrait toutefois être "une chose positive" pour L'Oréal, qui conserverait ainsi plus d'indépendance que s'il était racheté par un concurrent direct, estime Mme Collin.
Encore faut-il que d'autres candidats que Nestlé se présentent: racheter un groupe qui pèse plus de 50 milliards d'euros en Bourse n'est pas une mince affaire.