Plusieurs pays européens ont soutenu jeudi l'idée de taxer les transactions sur les marchés financiers, sans que l'UE ne parvienne à se mettre d'accord sur cette option de nouveau d'actualité avec la crise bancaire.
"Nous n'étions pas à même de nous mettre d'accord aujourd'hui" mais "nous reviendrons à ce sujet lors d'une autre réunion", a résumé le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, à l'issue d'un sommet des dirigeants européens à Bruxelles visant à préparer le G20 de Pittsburgh les 24 et 25 septembre.
Lancée en 1971 par l'Américain James Tobin, prix Nobel d'économie, et défendue depuis des années par le mouvement altermondialiste, la taxe sur les transactions financières - appelée aussi taxe Tobin ou "taxe Robin des Bois"- revient aujourd'hui au premier plan.
Elle est perçue comme un moyen de moraliser le secteur financier, de financer l'aide aux pays pauvres ou de faire rembourser par les banques une partie des déficits publics creusés par les aides massives qui ont dû leur être apportées.
L'idée d'une telle taxe avait déjà reçu fin août le soutien surprise du chef de l'autorité britannique des services financiers (FSA), Adair Turner, et du ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück.
Jeudi, la chancelière allemande Angela Merkel l'a à son tour jugée "sensée", son homologue autrichien Werner Faymann s'y est dit "personnellement très favorable", et le président français Nicolas Sarkozy l'a qualifiée de "financement innovant" pour l'aide aux pays pauvres.
"Ca progresse", a assuré M. Sarkozy, tout en soulignant qu'il serait prématuré d'en parler au G20 pour ne pas commettre "une erreur stratégique" en provoquant Washington.
D'autres dirigeants européens se sont montrés moins enthousiastes sur la taxe.
"Je ne pense pas que ce soit la réponse", a ainsi prévenu le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt, dont le pays préside actuellement l'UE. "C'est mieux d'avoir des mesures coordonnées sur les bonus, sur la supervision et la transparence", a-t-il dit.
Au-delà du principe même de la taxe, c'est la zone géographique où elle s'appliquerait qui fait débat : l'Europe peut-elle s'engager seule sur cette voie si les Etats-Unis ou d'autres ne suivent pas ? Au risque de provoquer un exil des banquiers de Londres et Francfort.
Pour Werner Faymann, l'Europe est "assez forte" et "nous devrions mettre (la taxe) en place au niveau européen", même si les autres n'en veulent pas.
D'autres sont plus sceptiques. Jean-Claude Juncker a ainsi averti que la taxe Tobin devrait "trouver une application territoriale totale à travers la planète si jamais nous voulions l'appliquer avec succès".
Et d'évoquer d'"autres mécanismes de taxation, notamment des opérations boursières, qui ne revêtent pas toutes les caractéristiques de la taxe Tobin, qui pourraient être intelligemment envisagés".
Le Premier ministre britannique Gordon Brown a aussi jugé la taxe impraticable autrement qu'à l'échelle mondiale.
"C'est très difficile, tant que nous ne sommes pas sûrs d'avoir une action mondiale, que c'est général et qu'il n'y a pas d'autorité ou de territoire qui peuvent facilement l'éviter", a-t-il dit.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait lui aussi déjà soutenu mardi l'idée d'une taxe à condition qu'elle s'applique au niveau mondial.