Trois mois après sa mise en garde, l'agence Moody's a dégradé jeudi d'un cran la note souveraine de l'Espagne, à "Aa2", annonçant sa décision avant même de laisser parler la Banque d'Espagne, qui doit communiquer dans la journée sur la santé du secteur bancaire.
L'agence de notation, qui avait fait sa mise en garde le 15 décembre, ouvrant une période d'examen de trois mois, avait jusqu'à mardi prochain pour se prononcer.
Elle a choisi de le faire dès jeudi, semblant désavouer par avance l'annonce de la banque centrale, pourtant très attendue par le marché.
Elle a abaissé la note à "Aa2" contre "Aa1" auparavant, avec perspective négative, se disant toujours sceptique sur la capacité du pays à redresser ses finances et s'inquiétant du coût de la restructuration bancaire.
La ministre espagnole de l'Economie, Elena Salgado, a contesté le tableau brossé par Moody's, maintenant "certaines divergences" et assurant que la restructuration du secteur bancaire ne va pas coûter autant que l'estime cette agence.
Moody's avait déjà retiré fin septembre sa note maximale "Aaa" à l'Espagne, dans la sillage de Standard and Poor's et Fitch quelques mois plus tôt.
Sans surprise, la nouvelle a plongé dans le rouge la Bourse de Madrid, qui perdait 1,26% à 09H40 (08H40 GMT).
L'Espagne reste toutefois bien notée. "Moody's continue de croire que la viabilité de la dette de l'Espagne n'est pas menacée" et "n'anticipe pas un besoin du gouvernement espagnol pour demander un soutien financier du FESF" (Fonds européen de stabilisation financière).
Mais l'agence estime que "le coût éventuel de la restructuration bancaire dépassera les estimations actuelles du gouvernement, entraînant une nouvelle hausse du taux de dette publique".
Elle dégrade donc d'un cran le fonds public spécial d'aide au secteur, le Frob, à "Aa2" contre "Aa1" auparavant, avec perspective négative.
Cette annonce survient le jour même où la Banque d'Espagne doit chiffrer les besoins de financement des banques et caisses d'épargne espagnoles, plombées depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, pour répondre aux nouvelles exigences des autorités en termes de solvabilité.
Sur l'enveloppe globale dont a besoin le secteur, l'estimation du gouvernement de 20 milliards d'euros (après 12 milliards de fonds publics en 2010) est généralement jugée trop optimiste par le marché.
Moody's "pense que le coût total devrait être plus proche des 40-50 milliards", selon son communiqué.
Deuxième motif d'inquiétude selon Moody's, "la capacité du gouvernement espagnol à parvenir à la nécessaire amélioration structurelle et durable des finances gouvernementales, compte tenu des limites du contrôle du gouvernement central sur les finances des gouvernements régionaux et du contexte de croissance économique seulement modérée à court et moyen terme".
Tandis que les autorités espagnoles tablent sur une croissance de 1,3% en 2011 (après -0,1% en 2010), l'agence n'espère qu'une hausse de 0,8%. "Le chemin de la consolidation budgétaire reste flou pour certains gouvernements régionaux", affirme Moody's.
Certes, l'économie espagnole, engagée dans un processus d'assainissement de ses comptes, a atteint fin 2010 des niveaux de déficit (9,24% du PIB) et de dette publique (60%) légèrement meilleurs que prévu.
Mais le déficit des 17 régions autonomes a grimpé à 2,83% du PIB après 1,92% en 2009, dépassant largement l'objectif officiel de 2,4%. Plus de la moitié des régions (neuf) n'ont pas respecté cette limite.