A la veille de la visite à Athènes de José Manuel Barroso, la Grèce semble entraînée, sous pression de ses créanciers à bout de patience, vers un scénario de défaut sur sa dette publique et dans une course contre la montre pour rester dans l'euro.
Alors que le président de la Commission européenne est attendu à Athènes jeudi - pour sa première visite en Grèce depuis 2009 - jamais les tensions dans la zone euro n'ont été aussi vives entre les pays du nord et les ceux du sud, la Grèce continuant de jouer le rôle d'enfant à problème.
Ces derniers jours, plusieurs hauts responsables allemands ont envisagé publiquement, sans être démentis, un défaut du pays et une sortie de la Grèce de l'euro.
Un parlementaire allemand a même souhaité lundi dans Die Welt qu'Athènes commence à payer la moitié des pensions de retraite et des traitements de ses fonctionnaires en drachmes (l'ex-monnaie nationale) dans le cadre d'une sortie progressive de la zone euro.
Ces propos sont interprétés par plusieurs analystes comme des positions de négociation pour faire pression sur la Grèce pour activer les réformes, plus que comme un danger de sortie de l'euro.
Ils interviennent alors que les contrôleurs de la "troïka" (UE-BCE-FMI) ont commencé mardi à Athènes le contrôle des comptes nationaux afin d'évaluer les retards pris dans l'ajustement budgétaire du pays après des élections à répétition ces derniers mois.
Le gouvernement grec et la troïka doivent se mettre d'accord sur la réduction du déficit public et les nouvelles mesures d'économie concernant surtout la baisse des dépenses publiques. Les contrôleurs doivent revenir en septembre à Athènes pour présenter leur évaluation finale, a indiqué mercredi la Commission.
Le ministre grec de l'Emploi Yannis Vroutsis a indiqué mercredi que 44% des économies prévues, soit 5 milliards d'euros, concernent son ministère ce qui suppose de nouvelles coupes dans les retraites et les aides sociales.
Au total, la Grèce doit procéder à des économies de 11,5 milliards d'euros pour 2013 et 2014.
Mais déjà à Bruxelles comme à Athènes, tout le monde sait que le pays peine à atteindre les objectifs fixés dans le deuxième plan signé récemment entre le pays et ses créanciers, UE-BCE-FMI.
"Le problème est double. Le pays ne respecte pas ses engagements soit par manque de volonté politique, soit par incapacité, donc il a besoin de financement", explique une source diplomatique européenne à Bruxelles.
"Il n'y a pas de solution: même si le gouvernement grec se met d'accord sur des mesures arrêtées avec la troïka, on ne parviendra pas à respecter les objectifs", ajoute cette source.
Pour dépasser ce verdict, le nouveau gouvernement de coalition dirigé par le Premier ministre conservateur Antonis Samaras, veut demander un nouveau délai de deux ans pour remplir ses obligations.
Le temps étant de l'argent, les analystes de Capital economics estiment que l'addition serait de 40 milliards d'euros supplémentaires à consacrer à la Grèce. Ceux de la Société Générale fixent l'ardoise à 60 milliards.
Mais pour des pays partenaires qui ont déjà demandé deux fois en 2010 et 2012 à leurs parlements nationaux respectifs de financer une aide exceptionnelle sous forme de prêts pour les Grecs, trop c'est trop, surtout en période de récession.
Du coup, au lieu d'un nouveau prêt, la Grèce pourrait devoir être contrainte de négocier une restructuration de sa dette vis-à-vis de la BCE et des Etats, comme elle l'a fait en mars avec les banques privées, qui ont subi une forte décote sur les obligations grecques qu'elles détenaient.
Une seconde restructuration est une "solution possible, mais qui coûterait cher", a commenté le député allemand de la CDU Norbert Barthle sur la télévision autrichienne.
"Même un nouveau délai est une forme de restructuration", a pour sa part admis mercredi Simos Kedikoglou, porte-parole du gouvernement grec à la radio Skaï.
Jeudi, le ministre grec des Finances Yannis Stournaras rencontrera les chefs de mission de la troïka, tandis que M. Barroso rencontrera M. Samaras à 14H30 GMT.
Toutes ces rencontres interviennent alors que la Grèce semble incapable de rembourser le 20 août, une obligation de 3,2 milliards d'euros due ce jour-là à la Banque centrale européenne (BCE).
A Bruxelles, la Commission se veut rassurante. Selon le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, une solution "technique" pourrait être trouvée.
Toutefois, les marchés sont nerveux, comme l'a montré la descente aux enfers de la Bourse d'Athènes lundi dans le sillage des autres bourses européennes.
"Le seul acteur capable de réagir aux tensions du marchés à court terme reste la BCE", estime Peter vanden Houte, économiste d'ING.
Comme en écho, une source diplomatique européenne à Bruxelles s'interrogeait: "Est-ce que la BCE ne pourrait pas faire quelque chose?"