A peine installée pour six mois à la présidence de l'Union européenne, la Hongrie a été sommée par Bruxelles de se justifier de lois controversées sur les médias et la taxation exceptionnelle d'entreprises, qui pourraient constituer des infractions au droit européen.
Gardien des traités, l'exécutif européen a indiqué lundi attendre prochainement des autorités hongroises des "clarifications" à propos de ces lois décidées par le bouillant Premier ministre conservateur Viktor Orban.
La Commissaire européenne en charge de l'économie numérique, Neelie Kroes, s'est inquiétée dans une lettre rédigée peu avant Noël de "l'indépendance" de la nouvelle autorité de supervision des médias hongrois "notamment du fait de sa composition", a précisé un porte-parole de la Commission, Olivier Bailly.
Les cinq membres du nouveau Conseil des médias (MT) sont en effet tous membres du parti au pouvoir, le Fidesz.
Bruxelles a reçu rapidement une première réponse des autorités hongroises affirmant que la nouvelle loi n'était pas en contradiction avec le droit communautaire.
Et Viktor Orban s'est d'emblée montré plutôt inflexible: "Nous n'allons pas avoir peur de quelques critiques, ou de nombreuses critiques venant de l'Europe de l'Ouest ou de plus loin encore", a-t-il dit.
La Commission attend désormais "dans les prochains jours" une réponse plus détaillée et compte aborder la question avec les autorités hongroises lors d'une réunion vendredi à Budapest, qui s'annonce animée. Il est rare en effet qu'un pays de l'UE entame sa présidence de l'UE dans un tel climat.
A ce stade, il n'est pas encore question de lancer une procédure en infraction au droit européen.
Entrée en vigueur le 1er janvier, cette loi qui prévoit de lourdes amendes en cas "d'atteinte à l'intérêt public, l'ordre public et la morale", ou des "informations partiales", permet aussi à la nouvelle autorité des médias de contraindre les journalistes à révéler leurs sources sur les questions relevant de la sécurité nationale.
L'ex-pays communiste, qui devra gérer des problèmes aussi délicats que la crise de la zone euro, l'élargissement de l'espace sans frontières Schengen ou l'intégration des Roms, essuie de vives critiques à l'étranger mais aussi à domicile pour ce texte.
Le plus important quotidien hongrois, Nepszabadsag (centre-gauche), a affirmé lundi en Une, dans toutes les langues de l'UE, que "la liberté de la presse n'existe plus en Hongrie".
Plusieurs pays européens comme l'Allemagne, le Luxembourg mais aussi l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et des organisations de défense des droits de l'Homme et de journalistes ont critiqué la loi ou réclamé son abrogation.
Bruxelles attend également des explications sur un autre texte controversé, promulgué, lui, en octobre : il prévoit des impôts exceptionnels "de crise" visant les grandes entreprises de l'agroalimentaire, de l'énergie, des télécommunications et de la grande distribution -la plupart filiales de groupes étrangers - afin d'aider le pays à remplir ses engagements de réduction de déficit.
La Commission a ouvert une enquête à ce sujet, a souligné lundi M. Bailly.
Si de telles mesures peuvent être légitimes, elles pourraient aussi s'opposer au principe d'égalité fiscale selon lequel "il n'est pas possible de taxer les opérateurs d'un secteur plus que les autres", a-t-il précisé.
Sur ce texte, Budapest a fourni mi-décembre des explications écrites à la Commission, qui sont actuellement à l'étude. Bruxelles a reçu à ce propos une plainte formelle signée des patrons de treize grands groupes industriels allemands, autrichiens, néerlandais, français et tchèque.