Cinq taux de change sont actuellement en vigueur en Argentine : le taux officiel fixe le dollar à environ 6,30 pesos, mais le dollar-soja se situe à 4 pesos, le dollar-touriste à 8,40, 10 au marché noir, contre 11 pour le dollar-Mercedes-Benz.
Ce dernier est apparu au gré d'une réforme récente de la taxation des achats de véhicules de luxe. Désormais, un riche Argentin devra débourser presque deux fois plus pour acheter un bateau, une Porsche ou un avion de tourisme.
Dans les "grottes" de Buenos Aires, des maisons de changes officieuses tolérées par les autorités, touristes et détenteurs de devises font fructifier leur argent en utilisant le taux du dollar parallèle, dit "dollar blue", proche de 10 pesos.
Ce cours est apparu fin 2011 quand le gouvernement a limité l'accès aux devises, une mesure destinée à stopper une inquiétante fuite de dollars vers l'étranger.
Les réserves en devises de l'Argentine ont dangereusement baissé ces dernières années: le stock de la Banque centrale est passé de 52 à 30 milliards de dollars entre 2010 et fin 2013, du fait notamment d'un fort déficit de la balance énergétique, alors que l'Argentine a longtemps été autosuffisante en produits pétroliers.
Chute des réserves
Malgré le taux de ce "dollar blue", supérieur de presque 50% au taux légal, les bureaux de change illégaux prospèrent, surtout dans le centre de Buenos Aires.
Avant de partir en voyage, un passage par la rue Florida, où les rabatteurs scandent "dollars, euros", permet de se doter des billets nécessaires au séjour. Sur présentation d'un billet d'avion, on peut également obtenir des devises au taux officiel, mais en quantité très limitée.
Voyager hors du pays devient de plus en plus onéreux pour les Argentins. En outre, pour éviter du trafic de devises, les détenteurs de cartes de crédit émises par les banques d'Argentine sont lourdement taxés à hauteur de 35% du montant de leurs achats à l'étranger, générant un taux de change de 8,40 pesos pour ce type de transaction.
En fin d'année, il est cependant possible de réclamer cette majoration à l'administration fiscale, mais pour cela, il faut être en règle avec le fisc, ce qui est loin d'être fréquent dans un pays où les classes aisées dissimulent une grande partie de leurs revenus.
Opposés au gouvernement de la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner, les exploitants agricoles se plaignent de n'encaisser que 4 pesos par dollar, la ponction fiscale s'élevant à 35% pour les exportations de soja, pilier de l'économie argentine.
Chaque année, les fermiers argentins vendent pour 50 milliards de dollars de soja et de céréales, une aubaine pour un pays qui a cessé d'emprunter sur les marchés internationaux.
Pour le gouvernement Kirchner, tout est bon pour retenir les devises, mais les mesures s'avèrent inefficaces et de nombreux experts tirent la sonnettes d'alarme face à la baisse du stock de devises.
Les Argentins se souviennent qu'en décembre 2001, le pays s'était retrouvé en défaut de paiement face à une dette colossale, déclenchant une crise économique sans précédent.
"Le manque de dollars a fait que différents taux de change ont surgi, dont certains faussent l'économie (...) Le rythme de détérioration (des réserves) est insoutenable dans le temps", selon Juan Carlos Ronderos, économiste de Abeceb.com.
Un autre économiste, Nicolas Dujovne prévoit une dévaluation d'ici trois mois. "Il n'y a pas d'autre solution, affirme-t-il, les réserves ont atteint un niveau critique".