Les ambitions du géant chinois des télécoms Huawei de devenir une marque mondialement connue, comme Apple ou Samsung, pourraient être contrecarrées par un rapport du Congrès américain, selon lequel la technologie du groupe pourrait être utilisée à des fins d'espionnage par Pékin.
Basé à Shenzhen (sud), Huawei a été fondé il y a un quart de siècle avec quelques milliers de dollars par Ren Zhengfei, un ancien ingénieur de l'Armée populaire de libération (APL). L'entreprise est depuis devenue le deuxième fournisseur mondial d'équipements de télécommunications, derrière Ericsson.
Présent dans plus de 140 pays, Huawei employait plus de 110.000 personnes fin 2010, dont la moitié hors de Chine. Le groupe a réalisé en 2011 un chiffre d'affaire de 32 milliards de dollars (près de 25 mds d'euros).
Au-delà des équipements livrés à 45 des 50 plus gros opérateurs téléphoniques de la planète, Huawei aspire désormais à se faire connaître du grand public, grâce à des smartphones haut de gamme pouvant rivaliser avec ceux d'Apple ou de Samsung.
Mais à la différence du groupe sud-coréen, qui produit aussi des composants électroniques clé, Huawei n'est pas basé dans un pays allié des Etats-Unis et le secteur des télécommunications est considéré par Washington comme un enjeu majeur de sécurité nationale.
Le projet de rapport de la commission du renseignement du Congrès américain estime que les technologies de Huawei, ainsi que celles de son principal concurrent chinois, ZTE, pourraient être utilisées pour saper la sécurité des Etats-Unis.
La commission ajoute qu'il est impossible d'avoir la garantie que ces deux sociétés sont réellement indépendantes du gouvernement de Pékin, comme elles l'affirment.
Son rapport préconise en conséquence que Huawei et ZTE ne puissent plus signer de contrats ou faire des acquisitions aux Etats-Unis, et que les systèmes du gouvernement américain, en particulier dans les domaines sensibles, ne devraient pas comporter d'équipements ni de pièces de ces deux sociétés.
De telles restrictions pourraient avoir de graves répercussions pour Huawei, qui a réalisé l'an dernier des ventes de 1,3 milliard de dollars sur le marché américain tout en achetant pour 6,6 milliards de dollars de composants dans ce pays.
"Les Etats-Unis ne sont pas seulement importants en tant que marché de premier ordre pour les télécoms, mais aussi un tant que lieu d'innovation. Huawei fait partie de cet écosystème d'innovation", a déclaré à l'AFP Roland Sladek, vice-président des relations avec les médias internationaux du groupe chinois.
Selon ce porte-parole, le rapport américain "soulève la question du protectionnisme et des motivations politiques" à l'origine de sa publication, qui intervient à quelques semaines des élections américaines.
"Les choses vont se calmer lorsque les dirigeants politiques vont prendre du recul et regarder les faits", estime M. Sladek, qui souligne que le secteur des télécommunications au niveau mondial "est fait de systèmes interconnectés et qu'isoler un élément de la chaîne d'approvisionnement ne fait aucun sens".
Huawei a déjà dû par le passé renoncer à des investissements aux Etats-Unis sous la pression de Washington, tandis que l'Australie a empêché cette année le fournisseur chinois de participer à un appel d'offres pour un important réseau à haut débit.
Les gouvernements européens partagent aussi les inquiétudes américaines ou australiennes. En Grande-Bretagne, où Huawei a installé un centre de protection des données informatiques, des responsables chargés de la sécurité épluchent ainsi le code source fourni par l'équipementier chinois pour éviter toute fuite.