Les gouvernements de l'UE ont surmonté lundi leurs dernières réserves et décidé de permettre aux Etats-Unis de continuer à consulter les données bancaires de leurs citoyens dans le cadre de la lutte anti-terroriste, malgré les protestations des députés européens.
Cet accord, trouvé par les ministres européens de l'Intérieur à Bruxelles, "nous permet de conserver un système de lutte contre le terrorisme efficace et proportionné", a expliqué le ministre suédois de l'Intérieur Tobias Billström, dont le pays préside l'UE.
Il permet au département du Trésor américain de continuer - comme il le fait depuis les attentats de septembre 2001 - à accéder aux informations bancaires gérées par Swift, une société privée installée près de Bruxelles. Celle-ci traite les flux financiers de près de 8.000 banques dans le monde, et va transférer toutes ses banques de données européennes à Amsterdam, aux Pays-Bas.
Les gouvernements européens, qui négociaient depuis des mois, devaient impérativement s'entendre lundi au plus tard car l'Europe change de traité mardi, passant de celui de Nice à celui de Lisbonne.
Dans le cas contraire, il aurait fallu redémarrer à zéro les négociations et obtenir l'aval du Parlement européen, qui devient co-décideur en la matière avec le traité de Lisbonne.
Les élus européens ont bataillé pour faire valoir leurs nouvelles prérogatives et demandé aux gouvernements de reporter leur décision. Ils n'ont pas été suivis et ont protesté.
"C'est une journée noire pour les droits des citoyens et la démocratie en Europe", s'est insurgé l'élu vert allemand Jan Philipp Albrecht.
"Cet accord n'est pas totalement convainquant, mais c'est mieux que pas d'accord pour les citoyens européens", s'est défendu le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière.
L'Allemagne et l'Autriche ont réservé leur décision jusqu'au dernier moment. Pour lever leurs dernières réserves, le champ des données bancaires auxquelles auront accès les autorités américaines a été réduit.
L'accord est en outre temporaire et sa durée a été limitée à neuf mois à compter du 1er février.
"Ensuite, la Commission va demander un mandat pour négocier un accord de longue durée" sur l'accès aux données bancaires Swift, respectant des critères stricts sur la protection des données personnelles, a expliqué le commissaire européen à la Justice, Jacques Barrot.
"Pour le moment, l'accord intermédiaire permet de ne pas interrompre l'observation des flux financiers", a insisté M. Barrot.
Les Etats-Unis sont les seuls en mesure d'analyser ces données dans le cadre de leur programme de surveillance du financement du terrorisme (TFTP). "Il n'y a pas un outil similaire en Europe", souligne un fonctionnaire européen.
Leurs informations ont permis de déjouer un plan d'attaque terroriste contre des avions au Royaume-Uni et de découvrir les activités financières d'un membre d'Al-Qaida basé en Europe, fait valoir la Commission.
Les banques, les institutions financières et leurs clients professionnels échangent par le biais de Swift 15 millions de messages par jour dans de nombreux domaines d'activités, notamment les virements et les paiements par cartes de crédit, selon un rapport du Sénat français.
Swift a décidé de se réorganiser pour dissiper les craintes européennes sur la protection des données. Deux zones de traitement sont créées: une Européenne, avec un serveur à Amsterdam, aux Pays Bas, et une transatlantique, dont le serveur est installé en Virginie.
Les Américains n'ont désormais plus un accès systématique aux données sur les opérations effectuées par les citoyens européens et doivent demander une autorisation, qui devra être "motivée", précise la Commission.