L'arrivée de LVMH au capital d'Hermès a fait bondir l'action du maroquinier lundi et suscité des interrogations sur les conditions dans lesquelles le groupe de l'homme d'affaires Bernard Arnault a mené à bien l'opération qui a ébranlé le petit monde du luxe français.
Hermès, qui affirme avoir appris la nouvelle samedi, une heure avant la publication du communiqué de LVMH, a réuni ses instances dirigeantes et réaffirmé la "parfaite unité" de la famille face à ce que la très chic maison appelle des "mouvements non sollicités" au sein de son capital.
A la clôture de la Bourse, l'action Hermès valait presque le prix d'un de ses célèbres carrés de soie à 202,85 euros, en hausse de 15,12% par rapport à son cours de vendredi, déjà un record historique!.
Le marché saluait de manière plus mesurée la stratégie de LVMH - numéro un mondial du luxe avec ses marques Louis Vuitton, Givenchy, Dom Pérignon, Parfums Dior... - dont le cours grimpait de 2,38% à 116,00 euros.
Passé l'effet de surprise, les analystes s'interrogeaient sur la manière dont LVMH a pu acquérir autant d'actions Hermès (14,2% du capital, et bientôt 17,1%) sans devoir le déclarer au gendarme de la bourse.
Selon les dispositions légales, une déclaration de franchissement de seuil est obligatoire auprès de l'Autorité des marchés financiers dès qu'une société ou une personne acquiert 5% du capital d'une entreprise.
Lundi, l'AMF a rappelé qu'elle vérifiera que la réglementation en la matière a bien été respectée, comme à chaque opération du genre.
Du coup, le géant du luxe publiait un communiqué pour affirmer avec force s'être "conformé scrupuleusement à la réglementation boursière".
Au même moment, Hermès publiait un autre communiqué pour expliquer que les instances dirigeantes de la maison s'étaient réunies "conjointement", tel un conseil de guerre, face à des "mouvements non sollicités sur le capital".
Comme la veille, la famille a réaffirmé "sa parfaite unité" dans cette affaire et "sa volonté unanime de maintenir dans le long terme son contrôle" de la griffe fondée il y a plus de 170 ans par Thierry Hermès. Pour preuve, selon le maroquinier, "la famille n'a pas vendu d'actions à LVMH".
Cela dit, "compte tenu du prix moyen d'acquisition déclaré autour de 80 euros, l'accumulation a eu lieu nécessairement il y a très longtemps", a estimé le directeur général adjoint de Hermès Patrick Albaladejo.
La question est évidemment de savoir si M. Arnault restera un actionnaire minoritaire ou s'il tentera un jour de prendre le contrôle de la griffe.
Pour Mérav Atlani, analyste au CM-CIC Securities, "si LVMH n'est pas pressé en soi de monter au capital d'Hermès, il est clair que cette prise de participation est hautement stratégique".
Un autre analyste estime que le PDG de LVMH ne se contentera jamais de 17%" car cela fait "trop longtemps qu'il veut Hermès".
C'est aussi un placement "sûr" selon Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po. De fait, compte tenu du montant actuel de l'action, Bernard Arnault pourrait déjà se prévaloir d'une plus-value à peu près équivalente à son investissement (1,45 milliard d'euros).
"C'est, par ailleurs, une façon de se positionner si des changements devaient survenir dans la composition du capital d'Hermès", souligne M. Carreira, autrement dit si des membres de la famille venaient à vendre.
"Quelles que soient les intentions de LVMH, hostiles ou amicales, le dogme quasi sacré de l'inviolabilité d'Hermès a volé en éclat", résume Serge Carreira.