Des négociants internationaux en vin de Bordeaux ont mis en garde contre de possibles escroqueries sur le marché des primeurs, alors que le millésime 2009 s'annonce exceptionnel, selon des professionnels.
Spécifiques au marché bordelais, les ventes de vins en primeurs consistent à acheter à des "traders" au printemps suivant les vendanges des options sur une production qui ne sera mise en bouteilles et livrée que 12 à 18 mois plus tard.
"Si le fournisseur peut livrer, c'est une bonne affaire (...), mais notre inquiétude est que certains prennent l'argent et promettent la livraison de vin qu'ils n'ont pas", a expliqué à l'AFP Sam Gleave, directeur des ventes pour Hong Kong de Bordeaux-Index, l'un des principaux acteurs internationaux.
Réalisant que la livraison ne se fait pas, l'acheteur - qui n'a eu aucun contact avec le producteur - ne peut que se retourner vers le courtier qui, entre-temps, aura disparu, a détaillé M. Gleave.
"Il y a déjà longtemps que nous redoutions que l'annonce d'une année exceptionnelle ne crée des opportunités de fraude", a-t-il poursuivi.
Selon lui, le seul moyen de se protéger est de vérifier que le trader dispose véritablement des options qu'il désire vendre.
"Je ne serais pas surpris qu'il soit vendu, en 2009, trois fois plus de grands crus qu'il n'en sera effectivement mis en bouteilles", a déclaré de son côté Simon Staples, directeur des ventes du britannique BerryBros and Rudd, un autre important acteur international.
M. Staples a indiqué avoir été prévenu par le directeur de sa représentation en Chine qu'un marchand de vin chinois offrait sur internet des bouteilles de Carruades 2009 (Pauillac, second vin du Château Lafite) à 580 yuans (64 euros). Or le prix de ce cru n'est pas encore "sorti", à savoir qu'il n'a pas été dévoilé par le producteur.
A titre de comparaison, le prix public d'un Carruades 2005 est, à ce jour, de plus de 2.000 Yuans (220 euros).
Contacté, ce marchand a répondu que le prix n'était indiqué que "comme référence", a ajouté M. Staples, qui a précisé que "des expériences passées" lui permettaient de douter de la bonne foi du marchand. Il a expliqué qu'en 2005, des sociétés avaient déjà proposé du vin mais n'avaient pu ensuite le livrer.
"Nous nous attendons à ce que cela se produise encore en 2009. Notre souci a toujours été que quelques traders malhonnêtes utilisent les primeurs et que quelques consommateurs insuffisamment informés soient durement affectés", a-t-il poursuivi.
Pour la première fois, les Etats-Unis ont perdu leur place de premier marché - après l'Union européenne - pour les vins de Bordeaux, au profit de la Chine dont les marchands, venus en force aux primeurs, n'ont ni l'expérience, ni la connaissance de leurs prédécesseurs.
François Lévêque, président du Syndicat régional des courtiers en vins et spiritueux de Bordeaux a rappelé qu'"aucun grand cru classé du millésime 2009 n'a été, à ce jour, livré à la vente".
"Nous attendons le classement de Robert Parker. C'est la semaine prochaine que commence la véritable campagne", a-t-il ajouté.
Les primeurs 2009 sont considérés comme potentiellement vulnérables car, comme en 2005, le millésime a été présenté comme de qualité exceptionnelle et les prix sont attendus à la hausse.