"Dehors!", "En prison", "Voleurs", "On nous a escroqués", "Rendez l'argent", fulminent les actionnaires contre les nouveaux dirigeants de Bankia, lors de la première assemblée générale de la banque depuis son sauvetage historique qui a précipité une aide européenne à l'Espagne.
A l'extérieur du Palais des Congrès de Valence, dans l'est de l'Espagne, militants syndicaux et "indignés" manifestent en tapant sur des casseroles.
Pendant cinq heures, les actionnaires se succèdent au micro, invectivent, montrent du doigt, crient et parfois insultent, demandent des solutions à la dizaine de dirigeants de Bankia présents, dont le nouveau président José Ignacio Goirigolzarri qui écoutent, impassibles, dans un auditorium comble.
Mais surtout, ils racontent avec dignité leurs histoires, souvent poignantes, d'une vie qui bascule parce que leurs économies, celles de leurs parents, parfois de leurs grands-parents se sont envolées dans la "faillite" de Bankia.
L'action a perdu plus de 70% depuis son entrée en bourse il y a un an à peine, passant de 3,75 euros à moins de un euro aujourd'hui.
"Cette escroquerie est une honte. Je connais un homme qui est aujourd'hui en hôpital psychiatrique, détruit parce qu'il a tout perdu. Moi je ne perdrai pas ma dignité parce que je ne mens pas. Et ceux qui mentent doivent payer!", lance l'un d'eux la voix tremblante, applaudi par toute la salle, réclamant que soient jugés les ex-dirigeants de Bankia.
D'autres sont victimes des "participations préférentielles", produits complexes censés rapporter des intérêts, qui ont été convertis sans leur consentement en actions.
Certains disent même avoir subi un chantage: "Tu veux un crédit pour une voiture? Tu achètes des actions Bankia".
Mais ce qui les met le plus en colère, c'est d'avoir fait confiance à leur caisse d'épargne, à leur banquier qu'il connaissait "depuis toujours" et qui était parfois même un ami.
"Ma directrice m'a dit que c'était sûr. Je l'ai crue et j'ai perdu 25.000 euros. Je l'ai traitée de garce", raconte Alfredo Anchel, un pré-retraité de 64 ans.
Certains n'ont pas attendu leur tour au micro pour faire entendre leur voix dans une ambiance surchauffée. Comme Vicente de Valencia Duran qui, dès le début de la réunion, a régulièrement interrompu M. Goirigolzarri dans sa présentation, aux cris de "voleurs!", "vous nous avez trompés!", "menteurs!".
Surtout lorsqu'il a entendu parler de "rétablir la confiance", de "professionnalisme" ou encore d'épargne désormais "plus sûre que jamais".
"Mais laisse-la parler, abruti", crie Vicente, soutenu par la salle qui hue le secrétaire général du Conseil au moment où il tente de couper la parole à une femme décrivant la descente aux enfers de sa famille.
Ils sont plus de 3.000, de Valence et d'autres villes. Si nombreux que certains sont obligés d'écouter l'assemblée générale dans deux autres salles, pestant de ne pouvoir intervenir.
"Ils ne me laissent pas entrer. Ce que je voulais leur dire, c'est que l'Espagne est une honte. Personne ne paie jamais. C'est la corruption généralisée", s'énerve devant la porte Carmen Riera, une retraitée de 77 ans.
Au total, quatre plaintes visant Bankia ont été déposées et le parquet a ouvert une enquête préliminaire sur d'éventuelles malversations.
L'annonce au mois de mai du sauvetage public de cette banque, le plus cher de l'histoire de l'Espagne, pour 23,5 milliards d'euros, a précipité la crise qui a abouti à la demande d'aide européenne de l'Espagne pour ses banques. Celle-ci n'a pas encore été chiffrée mais pourrait atteindre 100 milliards d'euros.
Après plus de six heures, la réunion s'achève sur l'approbation du plan, le rejet de la gestion de l'équipe précédente mais sans les sanctions exigées par les actionnaires minoritaires.
Maribel, une retraitée de 72 ans, fonce alors vers les dirigeants pour reposer la question qu'elle hurle depuis deux heures, sans réponse: "Qui m'a volé mon argent ?"