L'Autorité des marchés financiers (AMF) a commencé lundi l'audition à huis clos de 17 anciens ou actuels dirigeants d'EADS ou d'Airbus, soupçonnés de délits d'initiés, par un examen des questions de procédure.
Au centre de cette affaire, l'une des plus importantes que l'AMF a eu à traiter depuis sa création en 2003, Noël Forgeard, l'ex-coprésident d'EADS, s'est dit "serein".
"J'ai toute confiance dans la juridiction de l'AMF à qui mes avocats ont remis tous les éléments qui démontrent mon innocence", a-t-il affirmé en entrant au Palais Brongniart où les auditions doivent se dérouler jusqu'à vendredi.
Arrivé en moto taxi, le président d'Airbus, filiale d'EADS, l'Allemand Thomas Enders, s'est aussi déclaré "absolument" confiant.
Au total, 17 anciens ou actuels dirigeants d'EADS ou d'Airbus ainsi que des représentants des groupes allemand DaimlerChrysler et français Lagardère, les deux principaux actionnaires d'EADS, vont être auditionnés par l'AMF.
Ils sont soupçonnés de s'être enrichis indûment en 2005 et 2006 en vendant leurs actions du groupe, alors qu'ils avaient connaissance du retard du très gros porteur d'Airbus, l'A380, de la révision du projet de long-courrier A350 et de perspectives financières plus mauvaises que prévu.
Ces informations, une fois publiques, ont provoqué la descente vertigineuse de l'action.
En juillet, le rapporteur de la Commission des sanctions de l'AMF a proposé de se concentrer sur sept dirigeants, épargnant les dix autres, dont Thomas Enders, et les actionnaires qui n'auraient pas eu connaissance à l'époque où ils ont cédé leurs actions du retard de l'A380. Son avis peut influencer la décision finale mais n'est pas contraignant.
EADS est également montré du doigt pour ne pas avoir communiqué "dès que possible" au marché l'information sur ces retards. Il risque jusqu'à 10 millions d'euros d'amende.
L'AMF, qui veut se prononcer d'ici la fin de l'année, peut décider, à l'encontre des auteurs de délit d'initiés, une amende pouvant aller jusqu'à dix fois le profit réalisé. Une enquête judiciaire est par ailleurs en cours.
Lors de cette première journée, l'un des avocats des parties concernées a plaidé l'incompétence de l'AMF, selon une source proche du dossier. La holding EADS ayant son siège aux Pays-Bas, cette affaire est du ressort du gendarme boursier néerlandais et non de celle de la France, a-t-il fait valoir.
Un autre avocat a mis en exergue le fait que l'AMF ne respectait pas à la lettre la directive européenne sur les abus de marchés, moins sévère que l'AMF.
Alors que l'Autorité estime que les dirigeants auraient dû renoncer à vendre leurs actions, compte tenu des informations privilégiées qu'ils possédaient, l'avocat en question réfute cette interprétation, estimant que la décision de vendre avait été prise bien avant.
Par ailleurs, le procès-verbal de l'audition des consultants du cabinet McKinsey par la brigade financière, missionné par Airbus entre décembre 2005 et juin 2006 pour régler les problèmes de production de l'A380, a été transmis au dossier de l'AMF jeudi, selon un avocat.
Ces consultants s'étaient à l'époque montrés confiants sur la capacité d'Airbus à rattraper son retard sur son très gros porteur.
Mercredi, qui doit être consacré à l'examen du dossier A380, plusieurs des parties mises en cause vont s'appuyer sur ce témoignage pour démontrer que tant les actionnaires industriels que les cadres d'Airbus n'avait début mars --donc avant la vente de leurs actions-- d'information spécifique sur l'évolution du programme A380.