Une seule offre de reprise a été déposée lundi au tribunal de commerce de Paris pour la compagnie de ferries SeaFrance: un projet de société coopérative porté par une majorité de salariés mais non financé, ce qui assombrit un peu plus l'avenir de cette entreprise en liquidation judiciaire.
"Il n'y a pas d'autre offre, la Scop est la seule offre", a déclaré à l'AFP Emmanuel Hess, l'un des deux administrateurs judiciaires de SeaFrance, filiale de la SNCF lourdement déficitaire qui emploie 880 personnes en CDI.
La CFDT, syndicat majoritaire, a expliqué lundi après-midi qu'il lui faudrait 40 millions d'euros pour redémarrer l'activité, alors que les quatre navires de la compagnie de ferries entre Calais et Douvres sont bloqués à quai depuis près d'un mois, pour raisons de sécurité selon la direction.
La CFDT compte pour cela sur les collectivités locales (Région et municipalités notamment), qui se seraient engagées selon elle à apporter un soutien de 15 millions, selon des modalités qui restent à définir. En outre, elle compte solliciter le Fonds stratégique d'investissement (FSI).
"Le financement est loin d'être bouclé. Il manque tout l'argent. Officiellement on a une quinzaine de millions d'euros", a reconnu Eric Vercoutre, secrétaire du comité d'entreprise CFDT.
Le FSI a refusé de recevoir la CFDT quand celle-ci l'a démarché ces dernières semaines, invoquant un veto de la Commission européenne qui avait retoqué début octobre un plan de recapitalisation de SeaFrance par la SNCF, et donc l'Etat, au motif qu'il était contraire aux règles de la concurrence.
"On a déposé l'offre comme si elle était pleinement financée. On a des contributions considérables des collectivités, c'est un effort colossal", a argué l'avocat de la CFDT, Philippe Brun. "Le seul absent, c'est l'Etat", a-t-il pointé.
"A l'heure actuelle, aucune participation [du FSI] n'est actée", a confirmé une source gouvernementale à l'AFP.
Le FSI, filiale à 51% de la Caisse des dépôts et à 49% de l'Etat, a pour mission de soutenir les entreprises stratégiques porteuses de croissance.
SeaFrance, qui a déjà supprimé 725 emplois en 2010, a été placé en liquidation le 16 novembre avec poursuite de l'activité jusqu'au 28 janvier.
La date limite pour le dépôt des dossiers de reprise était ce lundi à 17H00.
Louis Dreyfus Armateurs (LDA), associé au groupe de ferries danois DFDS, a confirmé avoir renoncé à renouveler son offre, rejetée une première fois par le tribunal de commerce le 16 novembre.
Cette offre, fortement combattue par la CFDT, prévoyait de conserver 460 emplois équivalent temps plein, et trois des quatre navires, pour un prix d'achat de 5 millions d'euros.
Le syndicat avait refusé jeudi de se rendre à une réunion d'information sur cette offre concurrente, organisée sous les auspices du ministère des Transports.
"On voulait des relations constructives avec le syndicat majoritaire, c'est impossible (...) on laisse tomber", a expliqué un porte-parole de LDA.
"C'est le tribunal qui jugera si l'offre (de la Scop) est viable ou pas", a par ailleurs réagi le ministre des Transports Thierry Mariani, joint par téléphone.
"Ce que je regrette, c'est que la table ronde où les représentants des syndicats étaient invités ait tourné court", causant selon lui l'abandon de LDA, a-t-il ajouté. "Ils ont pratiqué la politique de la chaise vide".