En accueillant deux des trois plus importantes entrées en Bourse cette année sur la planète, Kuala Lumpur est propulsé au troisième rang mondial pour ce genre d'opérations. Mais la fièvre va vite retomber, avertissent les analystes.
Plus de 8 milliards d'euros d'introductions en Bourse ont été repoussées ou annulées, au deuxième trimestre dans le monde, en raison de la crise en zone euro et des inquiétudes sur la croissance, selon le cabinet PricewaterhouseCooper (PwC). Mais la Bourse de Malaisie, elle, devrait permettre de lever 4,2 milliards d'euros d'ici à la fin de ce mois lors de deux introductions gigantesques.
Fin juin, le géant malaisien de l'huile de palme FGV a levé 2,6 milliards d'euros, deuxième IPO cette année derrière l'américain Facebook, qui avait vendu pour 16,02 milliards de dollars de titres en mai à New York. FGV a fait une entrée fracassante: son titre a bondi de plus de 16% lors de son premier jour de cotation, une bonne santé qui ferait pâlir d'envie Facebook, dont l'action avait dévissé à la suite de son introduction.
Le 25 juillet, la place de Kuala doit accueillir une autre IPO monstre: celle du géant malaisien des services de santé, IHH Healthcare, qui prévoit de lever 1,6 milliard d'euros. L'opération, menée simultanément en Malaisie et à la Bourse de Singapour, doit être la troisième du genre dans le monde cette année.
La Bursa Malaysia, une place très modeste dont la capitalisation de 328 milliards d'euros est trois fois inférieure à celle de New delhi par exemple, se retrouve ainsi propulsée dans le tiercé de tête mondial des IPO. Selon le cabinet Ernst and Young, la corbeille malaisienne est dans ce domaine la troisième de la planète au second trimestre de cette année, derrière les américains NASDAQ et New York Stock Exchange.
Un oasis pour IPO
"La Malaisie fait figure d'oasis pour les IPO", s'est félicité mardi, lors de la présentation de l'entrée d'IHH, Nazir Razak, directeur général de CIMB Group, soumissionnaire de l'introduction.
Les analystes attribuent l'actuelle fièvre à la stratégie de privatisation du Premier ministre Najib Razak, qui en a fait un des piliers de sa campagne difficile en vue de sa reconduction lors des législatives qui doivent intervenir en avril 2013 au plus tard.
M. Najib a lui-même lancé en fanfare les deux introductions géantes, de FGV et d'IHH, comptant capitaliser sur leur succès. Le chef du gouvernement est engagé dans la cession au privé d'une partie des immenses richesses détenues par le secteur public. IHH est majoritairement détenu par le fonds souverain malaisien Khazanah Nasional tandis que FGV est une filiale d'une agence gouvernementale.
A long terme, l'objectif est d'attirer les capitaux étrangers afin de permettre à la Malaisie de se hisser au rang de pays développé d'ici à 2020, cheval de bataille du Premier ministre.
Le dynamisme de la Bursa Malaysia tient aussi à "l'ampleur des liquidités", souligne le cabine Ernst and Young dans une note d'analyse, évoquant en particulier la présence de nombreux fonds de pension recherchant désespérément de juteux investissements dans ce monde tourmenté.
Mais ce dynamisme reste avant tout national, rappellent les experts, soulignant que les introductions géantes ne sont le fait que de groupes malaisiens et non étrangers.
La fièvre devrait ainsi vite retomber, avertissent-ils.
"Cette année sera peut-être un record mais il reste à voir si cela peut être durable", déclare à l'AFP James Ratnam, analyste chez TA Securities.
Kuala n'est pas sur le point de voler la vedette à Hong Kong ou Singapour, qui restent les canaux préférées des grands groupes cherchant à s'introduire en Bourse en Asie, estime Bernard Ching, responsable d'Alliance Research, soumissionnaire de l'offre aux particuliers des actions IHH en Malaisie.
"Dans un marché mondial volatile, la Malaisie a tendance à bien s'en sortir mais, quand les incertitudes se dissiperont, les IPO sur les autres marchés vont se multiplier de la même manière", prédit-il