PARIS (Reuters) - Le nouveau mode de financement du compte de prévention de la pénibilité annoncé samedi par le Premier ministre, Edouard Philippe, aux partenaires sociaux inquiète les syndicats, qui craignent une déresponsabilisation des entreprises.
Le gouvernement, qui souhaite simplifier ce dispositif, prévoit de le financer non plus par des cotisations à la charge de l'employeur mais par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) de la Sécurité sociale.
Pour la CFDT, Force ouvrière et la CGT, ce nouveau mode de financement va à l'encontre de l'objectif de prévention de la pénibilité des conditions de travail.
"Le désengagement financier des entreprises (...) exonère les employeurs de leurs responsabilités au mépris de la santé de leurs salariés", a ainsi déclaré la CFDT dans un communiqué.
Pour FO la suppression des cotisations patronales minimes censées assurer le financement du dispositif "apparaît comme une mesquinerie et il va falloir veiller à ce que les employeurs assument clairement leur responsabilité".
"On va surveiller ça comme le lait sur le feu", a déclaré son secrétaire général, Jean-Claude Mailly, sur France Inter.
Entré en vigueur le 1er janvier 2015, le compte personnel de prévention de la pénibilité n'a cessé depuis lors d'être sous le feu des critiques des organisations patronales, qui le jugent trop contraignant, voire inapplicable.
Dans un courrier adressé samedi aux partenaires sociaux, Edouard Philippe dit vouloir pérenniser ce dispositif mais en sortant quatre des dix critères de cette mesure : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques.
Pour ces quatre critères, c'est une visite médicale en fin de carrière qui décidera si les salariés concernés sont victimes d'une maladie professionnelle leur donnant droit de partir plus tôt à la retraite.
Le parti socialiste a regretté lundi que le gouvernement refuse d'appliquer à la prévention de la pénibilité au travail le principe "pollueur–payeur".
INVERSION DE PHILOSOPHIE
"Cela bafoue l’esprit de la réforme qui reconnaissait que la charge de la maladie revenait à l’entreprise et non au salarié", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité, rebaptisé par Edouard Philippe "compte de prévention", est jusqu'ici financé par deux cotisations patronales.
La première, qui représente 0,01% de la masse salariale, est payée par l'ensemble des entreprises. La deuxième, de 0,2% ou 0,4% de la masse salariale, selon le nombre de facteurs pris en compte, est payée par celles qui exposent leurs salariés à des conditions de travail pénibles.
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a confirmé dimanche, que le nouveau dispositif serait approvisionné par la branche AT/MP de la Sécurité sociale.
Selon le dernier rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale, celle-ci sera excédentaire de 919 millions d'euros en 2017, après 762 millions en 2016 et 750 millions en 2015.
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a déploré dimanche sur France 3 un "raté particulièrement important", notamment en matière de méthode, et regretté que les facteurs de pénibilité n'incluent pas davantage de critères, comme le "burn out".
"Concrètement, le gouvernement fait sortir du dispositif des milliers de travailleuses et de travailleurs, notamment ceux de l’industrie de la chimie et de la construction", a renchéri lundi la CGT dans un communiqué.
La centrale syndicale dénonce une inversion de la philosophie du compte pénibilité : "Il faudra déjà être malade et prouver une incapacité permanente de 10% a minima pour pouvoir enfin bénéficier d'une retraite prise plus tôt."
La CGT déplore également que le nouveau mode de financement "déresponsabilise le patronat", alors que les excédents de la branche AT/MP pourraient, selon elle, financer une "politique de prévention de la désinsertion professionnelle".
(Caroline Pailliez, édité par Emmanuel Jarry)