La situation financière de la première compagnie d'électricité japonaise, Tokyo Electric Power (Tepco), a continué de se dégrader de façon dramatique au printemps, à cause de pertes colossales consécutives à l'accident nucléaire de Fukushima.
L'exploitant de ce vaste site atomique situé sur la côte nord-est de l'archipel, ravagée le 11 mars par un violent séisme suivi d'un tsunami gigantesque, a fait état mardi d'un déficit net de 572 milliards de yens (près de 5 milliards d'euros) au terme du premier trimestre de son exercice 2011-2012.
"La qualité de nos finances s'est fortement détériorée", a déploré Tepco, reconnaissant sa responsabilité dans le drame survenu à Fukushima, lequel a forcé quelque 80.000 résidents des environs à fuir leur domicile et ruiné l'activité de nombreuses sociétés, commerces ou exploitations agricoles.
La compagnie a dû enregistrer au 1er trimestre une charge exceptionnelle de 398 milliards pour les dédommagements de victimes et de 105 milliards pour les pertes matérielles concernant les quatre réacteurs les plus problématiques de la centrale.
Outre ces frais exceptionnels qui plombent ses comptes, Tepco souffre de manques à gagner et de dépenses plus lourdes d'achat du pétrole ou du gaz naturel, pour relancer des centrales thermiques afin de compenser l'arrêt de la plupart de ses réacteurs nucléaires.
Pour éviter que Tokyo et les préfectures limitrophes ne soient plongées dans le noir, Tepco exige des entreprises comme des particuliers des efforts importants de réduction de consommation électrique. Las, du coup, elle vend moins d'électricité et encaisse moins.
Bilan, Tepco n'a plus aucune marge et n'est pas assurée de pouvoir augmenter ses tarifs de façon à revenir à l'équilibre opérationnel.
Tepco, déficitaire sur tous les plans, est en outre toujours incapable d'établir des prévisions financières pour l'ensemble de l'année d'avril 2011 à mars 2012, en raison des multiples incertitudes entourant la crise de Fukushima Daiichi.
"Si à l'avenir nous sommes en mesure de fournir des estimations, nous les communiquerons immédiatement", a promis Tepco.
Tepco avait déjà affiché une perte nette record de quelque 11 milliards d'euros pour l'année budgétaire bouclée fin mars 2011, trois semaines après le début de la série d'explosions et autres avaries dans la centrale.
Au bord du gouffre, le groupe, vital pour l'économie nippone, va cependant bénéficier d'un soutien national afin d'indemniser rapidement les victimes de ce désastre environnemental et humain.
En vertu d'une loi récemment adoptée par le Parlement, un fonds public de dédommagement, alimenté par l'Etat et les compagnies d'électricité du pays, doit être créé dans les prochaines semaines, Tepco étant censé rembourser par la suite les sommes avancées aux sinistrés.
Toutefois, les modalités précises de fonctionnement de cet organisme restant à définir, pèse toujours une menace sur l'avenir financier de l'entreprise.
Reléguée en catégorie très risquée par les agences de notation financière, elle est en outre quasiment dans l'incapacité de réclamer de l'aide à des investisseurs privés et avoue d'ailleurs ne pas étudier pour le moment cette option.
"Il ne fait aucun doute que nous sommes dans une situation difficile pour obtenir des financements. Nous devons faire tout pour rationaliser nos dépenses et céder des actifs afin de nous procurer des fonds", a promis Toshio Nishizawa, le patron de la compagnie, réitérant l'engagement de se défaire de biens et activités devenus superflus.
Le drame oblige aussi Tepco à remiser ses ambitions internationales qui étaient pourtant une des clés de sa stratégie de croissance, dans le sillage des industriels nippons du secteur nucléaire (Toshiba, Hitachi, Mitsubishi Heavy Industries) et de l'Etat.
"Nos ne songeons plus le moins du monde à l'exportation de centrales nucléaires à l'étranger, concentrant désormais toute notre énergie à la stabilisation complète à Fukushima", a avoué M. Nishizawa.