Des milliers de personnes ont défilé samedi après-midi à Lisbonne et Porto pour protester contre les mesures d'austérité du gouvernement, confronté à la première grande manifestation nationale depuis qu'il a pris ses fonctions en juin.
D'après les organisateurs, ils étaient quelque 130.000 fonctionnaires et salariés du privé à Lisbonne et plus de 50.000 à Porto à avoir répondu à l'appel de la CGTP, la principale confédération syndicale qui avait convoqué cette journée d'action.
La police portugaise a pour règle de ne pas communiquer ses estimations mais, d'après les médias locaux, ces chiffres étaient surestimés.
"Il est temps de changer de cap", a lancé Manuel Carvalho da Silva le secrétaire général de la CGTP lors d'un discours prononcé à la fin du défilé à Lisbonne.
"La démocratie est aujourd'hui fortement affectée (...). Il faut un projet politique alternatif", a-t-il affirmé.
M. Carvalho da Silva a par ailleurs annoncé une "semaine d'action" pour poursuivre la lutte contre "l'appauvrissement et les injustices", conformément aux mots d'ordre des manifestations de samedi, avec plusieurs grèves du 20 au 27 octobre prochain.
Troisième pays après la Grèce et l'Irlande à bénéficier d'une assistance financière, le Portugal s'est engagé auprès de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI) sur un rigoureux programme d'austérité afin de réduire son déficit, assainir les finances publiques et relancer l'économie.
Pour y parvenir le gouvernement de droite de Pedro Passos Coelho, issu des élections de juin dernier, a mis en oeuvre une série de mesures: une taxe extraordinaire sur les revenus, diverses hausses d'impôts, une baisse des prestations sociales, des privatisations ou encore le maintien du gel des salaires et des embauches des fonctionnaires.
Si la politique du gouvernement de droite, au pouvoir depuis juin, était la première visée par les slogans des manifestants, les créanciers du Portugal de l'UE et du FMI étaient également fortement critiqués.
"Assez de Troïka" et "Non à l'ingérence du FMI", proclamait une banderole en lettres rouges portée par les manifestants à Lisbonne arborant des autocollants portant l'inscription: "Nous disons non à ce programme d'agression".
"Le programme du gouvernement est une attaque frontale contre les droits des salariés", a expliqué à l'AFP Rafael Louro, un fonctionnaire du ministère des Finances un mégaphone à la main, rappelant notamment le projet de ramener les indemnités de licenciement de 30 à 20 jours de salaire par année travaillée.
"Je lutte non seulement pour mes droits mais également pour les droits de mes enfants et de mes petits-enfants", a confié un peu plus loin une retraitée qui s'est rendue à Lisbonne dans l'un des nombreux bus affrétés par les organisateurs pour acheminer les manifestants des différentes régions du pays.
La manifestation de la CGTP intervient au lendemain de la publication de mauvaises nouvelles macroéconomiques faisant état d'un déficit au premier semestre plus important qu'escompté (à 8,3% du PIB) et loin encore de l'objectif du gouvernement de le ramener à 5,9% à la fin de l'année, en raison notamment de la découverte de dettes non déclarées de l'archipel de Madère.
Ce dérapage met à mal les efforts du Portugal pour assainir ses finances et risque de durcir davantage le programme d'austérité du gouvernement.
"Cette situation devra nécessairement être corrigée par des mesures permanentes et structurelles en 2012", qui seront dévoilées dans le projet de budget de l'année prochaine, avait indiqué vendredi soir le ministre des Finances Victor Gaspar.