De son atelier de confection en Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, Amancio Ortega a conquis le monde. Devenu milliardaire grâce à son empire Inditex et sa marque étendard Zara, il passe mardi le flambeau à son numéro deux... comme toujours, en toute discrétion.
Fils de cheminot, l'homme, âgé de 75 ans, est le plus riche d'Espagne et septième au monde, selon le magazine Forbes, avec une fortune estimée à 31 milliards de dollars (22 milliards d'euros).
Ses origines modestes l'ont poussé à quitter l'école dès 13 ans, pour travailler comme vendeur dans un magasin de chemises de La Corogne. Quatre ans plus tard, il créait déjà son entreprise, d'abord comme grossiste.
Il ouvre la première boutique Zara en 1975, toujours à La Corogne. Suivront une deuxième, une troisième, jusqu'à passer les frontières: le Portugal en 1988, les Etats-Unis en 1989, la France en 1990...
De quoi intriguer les médias, qui cherchent à le rencontrer: en vain. L'homme, marié deux fois et père de trois enfants, n'accorde aucune interview. Pendant des années, personne ne sait d'ailleurs vraiment à quoi il ressemble. Amancio Ortega n'accepte de poser pour une photo officielle qu'à l'occasion de l'entrée en Bourse du groupe en 2001.
"Je veux que dans la rue, seuls puissent me reconnaître ma famille, mes amis et les gens avec qui je travaille", confiait-il à Covadonga O'Shea, seule journaliste qui a réussi à l'approcher et a écrit sa biographie.
En près de 40 ans, Zara est devenu l'emblème d'un empire de la mode à petit prix, Inditex (Industria de diseño textil), premier vendeur de vêtements au monde, avec comme autres marques Massimo Dutti, Oysho, Bershka...
Le groupe, qui a traversé la crise sans encombres et ne fait jamais de publicité, a vu son bénéfice grimper de 30% en 2010, à 1,7 milliard d'euros. Il compte désormais plus de 5.000 boutiques dans 78 pays. Ses plus récentes conquêtes: l'Inde et l'Australie.
Les raisons du succès? Une rapidité époustouflante qui a pris de court ses concurrents: 40% des stocks sont renouvelés toutes les semaines, les arrivages débarquent en boutique tous les trois jours. La collection 2010 comptait plus de 30.000 modèles, chacun en faible quantité pour créer le manque.
Amancio a son petit secret: un approvisionnement de proximité, à plus de 50% d'Europe et du Maroc, afin d'économiser en coûts de transport et d'être le plus souple possible.
"Le modèle d'entreprise est tellement novateur qu'il a été étudié à Harvard et que certains (concurrents) l'imitent", raconte Covadonga O'Shea.
Une mode éphémère qui a aussi ses détracteurs, la firme ayant été souvent accusée de copier les grands créateurs: "au début, il y avait des choses très ressemblantes, par exemple à des modèles de Chanel", rappelle la biographe, mais "aujourd'hui (Inditex) a 600 stylistes".
Autre point de friction: les conditions de travail des employés. Début juillet une partie des salariés espagnols ont manifesté pour dénoncer leur précarité, affirmant que 80% des effectifs travaillent à temps partiel avec de bas salaires.
Mardi, pour l'assemblée d'actionnaires qui validera son départ, Amancio Ortega, fidèle à son habitude, ne sera pas là. L'homme, qui mange régulièrement à la cantine de l'entreprise, ne part pas à la retraite pour autant: il reste premier actionnaire d'Inditex, avec une part de 59,3%.
Son successeur, Pablo Isla, actuel directeur général, a un profil tout différent: cet avocat de formation de 47 ans n'est pas l'homme d'une entreprise, ayant été secrétaire général de Banco Popular et co-président d'Altadis.
Mais "il a une admiration" pour son mentor, confie Mme O'Shea.