Les nouvelles normes bancaires dites de Bâle III vont globalement renforcer le secteur financier grâce aux exigences plus sévères en fonds propres, mais elles ne pourront pas empêcher l'irruption d'autres crises, estiment spécialistes et banquiers.
Près de deux ans jour pour jour après l'effondrement retentissant de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, les banquiers centraux et régulateurs ont édicté de nouvelles règles internationales, qui prévoient de relever à 7% le minimum de fonds propres "durs" (rapportés au montant global des prêts accordés à leurs clients) que devront à l'avenir détenir les établissements.
Mais alors que cet accord doit encore être validé en novembre lors du sommet du G20 de Séoul, de nombreux spécialistes estiment que le texte ne va pas assez loin.
"On ne pourra jamais complètement éviter une crise" en renforçant seulement les fonds propres des banques, prévient ainsi Patrick Odier, président de la puissante Association suisse des banquiers. Pour lui, seule une gestion rigoureuse et une grande prudence peuvent permettre d'éviter une nouvelle catastrophe financière.
En Suisse, où la première banque du pays UBS a été sauvée in extremis de la faillite durant la crise financière, les voix sont particulièrement critiques vis-à-vis des accords de Bâle III.
Beat Bernet, spécialiste des banques et professeur à l'université de St-Gall, considère que le niveau de fonds propres "durs" établi par l'accord signé dimanche reste trop bas.
"La proposition soumise au G20 est un compromis, qui ressemble plus à un sédatif qu'à une réelle volonté politique de diminuer les risques" des banques dites d'importance systémique, explique-t-il, cité par le journal Tages-Anzeiger.
Les nouvelles normes prudentielles de Bâle III "ne sont pas suffisantes", confirme à l'AFP Manuel Ammann, directeur de l'Institut suisse des banques et de la finance, jugeant qu'il faudrait "s'assurer que les grandes banques disposent de suffisamment de capitaux pour ne pas faire faillite".
Non pas en faisant appel à encore plus de fonds propres, ce qui serait difficilement supportable pour les banques, mais en utilisant des instruments financiers comme des obligations convertibles, qui pourraient être changées en actions en période de crise et ainsi libérer du capital.
Autre point critiqué: la période de transition de huit ans accordée aux banques pour mettre suffisamment de fonds de côté pour se conformer aux nouvelles exigences.
Ce laps de temps "est un peu trop généreux" et résulte d'un compromis macro-économique, critique Rainer Skierka, analyste à la banque Sarasin.
"A long terme, les mesures vont rendre les banques plus fortes", admet pourtant Siert-Jan Vos, économiste à l'université d'Amsterdam.
"Mais étant donné que l'introduction des règles ne sera achevée que dans huit ans, personne ne sait ce qui va se passer d'ici là. Il y aura peut-être une autre crise financière entre-temps", avertit-il.
Néanmoins, la stabilisation à long terme des banques devrait s'avérer bénéfique pour le secteur, tempère le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney.
"Il est probable qu'un secteur financier moins volatil (...) et plus robuste face à des chocs négatifs sera considéré sous un jour plus favorable par les investisseurs et attirera les investissements nécessaires pour poursuivre son expansion de manière durable", espère-t-il.