Mis en difficulté il y a une dizaine d'années par la concurrence asiatique, le seul fabricant français de peluches, basé dans le village de Saint-Marcel (Indre), ambitionne aujourd'hui de placer ses nounours sur le marché chinois.
En se positionnant sur le créneau des séries limitées et du sur mesure, Blanchet Peluches de France a pris d'ores et déjà un nouveau départ à l’export, en Angleterre et aux États-Unis.
Dans le bâtiment de 1.500 m2, on n’entend que le bruit des machines à coudre et de celle à bourrer les lapins, lutins et autres trolls. Sur une table de découpe, entre les étoffes, les feutrines et les cotons à broder de toutes les couleurs, Nadine Montesinos, 53 ans dont 34 d’ancienneté, contrôle avec méthode la finition d’un ours brun avant de fixer les yeux. "C’est ainsi qu’il prendra vie. Les yeux c’est un peu l’âme de la peluche", sourit-elle.
Elle a connu la belle époque, la fin des années 80, quand l'entreprise employait 80 personnes, puis la dégringolade face à la concurrence asiatique et le redressement judiciaire.
"Je pensais que la société fermerait et que je n’aurais plus jamais de boulot. Aucune des anciennes salariées n’a retrouvé de travail dans la confection", confie-t-elle. Mais aujourd'hui, elle reprend espoir : l'entreprise a été rachetée et relancée par "Au Nain Bleu", un emblématique magasin et fabricant de jouets qui a pignon sur rue à Paris depuis 1836.
"Nous étions le client principal de Blanchet Peluches. Nous connaissions le savoir-faire de cette entreprise", explique Jean-Stéphane Irion, directeur du fabricant de jouets et descendant des créateurs.
En 2007, il a déboursé plus de 100.000 euros pour acquérir "le seul fabricant français de peluches". Il en a fallu autant pour éponger les dettes et, en 2012, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 420.000 euros. Celui de 2013 devrait avoisiner les 500.000 euros, permettant à Blanchet Peluches de parvenir à l’équilibre.
La réactivité, atout essentiel
La peluche 100 % française a-t-elle donc encore un avenir face à la concurrence asiatique ? Jean-Stéphane Irion en est persuadé. "Les entreprises chinoises ne fabriquent plus rien en dessous de 7.000 exemplaires commandés. Et leur transport en bateau dure trois mois, parfois plus. On se positionne sur les marchés de la petite et moyenne série", explique-t-il.
Les Peluches de France ne s’adressent pas qu'aux enfants : les commandes peuvent provenir d’un laboratoire médical qui fait fabriquer une peluche comme publicité dans les pharmacies, ou d’un éditeur souhaitant accompagner d'un doudou une sortie littéraire. Des entreprises font aussi fabriquer des mascottes à leur effigie...
A ces marchés s’ajoutent, pour un quart, le créneau du luxe. "Nous travaillons pour Dior, Christian Lacroix, de grands palaces parisiens et des sociétés de design artistique telle Masomenos Art", précise Jean-Stéphane Irion, pour qui la réactivité est un atout essentiel. "Nous répondons aussi à des commandes personnalisées de peluches. Il arrive que des clients fortunés passent commande la veille pour être livrés le lendemain dans un aéroport, avant de prendre leur avion", ajoute-t-il.
Blanchet Peluches de France compte une quinzaine de salariés aujourd'hui. Les peluches françaises ont séduit un grand distributeur américain spécialisé dans le monde de l'enfance, qui livre plus de 3.000 magasins. Elles sont désormais distribuées par la chaîne britannique de puériculture Gigi Brooks et seront prochainement référencées sur le site de la société d'achats en ligne du groupe chinois Izp technologies, if2c.com, visionnée par des centaines de millions de consommateurs.
"Grâce à ces contrats, notre chiffre d'affaires pourrait atteindre 800.000 euros, voire un million d'euros en 2014. En Chine, le made in France ou plutôt le savoir-faire français est très prisé", relève le directeur marketing de la société, Didier Bujaud.
"Victor", le premier nounours de l'entreprise créée en 1953, toujours fabriqué à Saint-Marcel, pourrait donc bientôt se vendre en Chine. Ce qui fait sourire Annie Viroulet, 53 ans dont 36 chez Blanchet : "les Chinois nous ont fait beaucoup de mal. Ce serait un joli clin d’œil s'ils participaient aujourd'hui au rebond de l'entreprise".