Le géant de l'informatique IBM, qui fut à l'origine de plusieurs des révolutions technologiques ayant débouché sur l'informatique moderne, fête jeudi ses 100 ans en faisant preuve d'une belle vitalité, même s'il n'exerce plus la domination qui fut la sienne.
Avec 197 milliards de dollars de capitalisation boursière, IBM est la 14e valeur mondiale, au firmament de la technologie, loin derrière Apple (304 mds USD) mais tout près de Microsoft (201 mds USD), avec bien plus d'années au compteur.
Cette longévité, Thomas Misa, professeur de l'histoire des technologies à l'Université du Minnesota, l'impute à "son talent pour mettre la puissance de la gestion des informations entre les mains des utilisateurs, en tenant compte de leurs besoins et de leurs désirs".
"C'est ce qu'ils ont fait dans les années 1930 avec leurs machines à pointer les cartes perforées (...) et ils ont fait pareil, en gros, avec le basculement après 1993 sur les services informatiques", précise-t-il.
Même s'il se compte des ancêtres remontant au XIXe siècle, c'est en 1911 qu'IBM date sa naissance. Cette année-là, trois sociétés fusionnent, spécialisées dans les horloges, les balances, et les outils d'aide au calcul, prisés des organisateurs du recensement américain.
Trois ans plus tard, cette société alors baptisée CTR embauche Thomas Watson au poste de directeur général, qu'il garde jusqu'à ce qu'il cède les rênes à son fils Thomas Jr, en 1956. Jusqu'en 1971, le père puis le fils Watson façonnent ce qui depuis 1924 s'appelle International Business Machine, IBM pour faire court.
Le groupe a longtemps été moqué pour le conformisme de ses employés, mais cela ne l'a pas empêché d'être à l'avant-garde de l'innovation, au point qu'il revendique le plus grand nombre de brevets américains détenus par une entreprise. Cinq de ses employés ont gagné des prix Nobel de physique.
La société s'est développée grâce à son goût pour les "gros paris", estime Dag Spicer, conservateur au Musée de l'histoire des ordinateurs à Mountain View (Californie, ouest des Etats-Unis).
"Durant la Grande Dépression, Tom Watson a continué de fabriquer des machines alors même qu'il n'y avait pas de marché", raconte-t-il. Du coup, quand en 1935 le président Franklin Roosevelt a créé l'organisme versant les retraites, "IBM était la seule entreprise qui avait un équipement prêt à fonctionner" pour traiter des millions de dossiers du jour au lendemain - s'assurant une domination sans égale dans le domaine des cartes perforées.
Puis en 1964, "Tom Watson Jr a fait un pari en misant 5 milliards de dollars, soit pratiquement la totalité de la compagnie, sur un nouveau système, le système 360 (nouveau modèle d'ordinateur central), qui rendait immédiatement tous les autres produits IBM obsolètes", en garantissant la compatibilité des programmes dans toute une famille d'ordinateurs, ajoute-t-il.
"Le système 360 a été la plus grande réussite de tous les temps dans les ordinateurs centraux, et a scellé les lettres bleues d'IBM dans l'imagination populaire", note M. Spicer.
En revanche IBM est venu sur le tard aux ordinateurs personnels, après Apple, et a "frôlé la mort" dans les années 1980. "Il a perdu la main, il a lancé les PC mais sans mettre beaucoup d'effort marketing derrière", rappelle le conservateur de musée.
Le salut est venu du recentrage sur les entreprises qui font après tout le nom d'IBM, amorcé en 1993 sous la houlette de Lou Gerstner, et poursuivi par l'actuel PDG Samuel Palmisano, qui a cédé les PC au Chinois Lenovo en 2005.
Aujourd'hui le groupe réalise son chiffre d'affaires (29 milliards de dollars en 2010, un record) dans les gros ordinateurs centraux, les centres de stockage et les services, sans négliger des opérations de prestige comme l'ordinateur champion d'échecs Big Blue en 1997 ou l'ordinateur Watson, qui a remporté cette année le jeu Jeopardy.