Le bouclier fiscal, dispositif phare et très contesté de la présidence Sarkozy, a coûté l'an passé 679 millions d'euros à l'Etat et bénéficié à près de 19.000 contribuables, dont les plus fortunés ont empoché des chèques de plusieurs centaines de milliers d'euros.
Ces montants, en nette hausse par rapport à 2008, ont été dévoilés jeudi au moment où le gouvernement, qui met la dernière main à un budget de rigueur pour 2011, refuse de revenir sur ce dispositif malgré la pression de ses détracteurs, de plus en plus nombreux jusque dans les rangs de la majorité.
Selon les chiffres définitifs du ministère du Budget transmis aux commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, le bouclier fiscal a coûté en 2009 à l'Etat 678,99 millions d'euros de remboursements à 18.764 contribuables bénéficiaires.
D'après le document révélé jeudi par Le Parisien et dont l'AFP a obtenu copie, la restitution moyenne a été de 36.186 euros par contribuable bénéficiaire de cette mesure, qui plafonne l'impôt à 50% des revenus.
Mais ces chiffres, "conformes aux prévisions" selon Bercy, cachent des disparités, en fonction des revenus et du patrimoine des intéressés.
En bas de l'échelle, les 9.789 contribuables les moins aisés ont obtenu une restitution de 559 euros en moyenne chacun.
A l'opposé, les 1.169 les plus fortunés ont empoché un chèque du Trésor de 362.126 euros en moyenne. Ceux-là se sont partagés 423,32 millions d'euros, soit plus de 62% de l'enveloppe totale.
En 2008, l'Etat avait restitué environ 563 millions d'euros à 15.500 bénéficiaires.
La polémique récurrente autour de ce dispositif censé endiguer le départ de France de riches contribuables fuyant des impôts jugés trop lourds a été relancée cet été par l'affaire Liliane Bettencourt.
L'héritière de L'Oréal, dont le gestionnaire de fortune a reconnu l'existence de 78 millions d'euros d'avoirs non déclarés en Suisse, a en effet, selon la presse, empoché 100 millions d'euros au cours des quatre dernières années au titre du bouclier. Des révélations qui ont suscité un regain d'attaques de la gauche.
Plusieurs parlementaires de tous bords ont déjà prévenu qu'ils plaideraient cet automne lors des débats sur le budget pour une remise en cause du bouclier, voire sa suppression.
Comme d'autres, le député UMP Gilles Carrez, rapporteur du budget à l'Assemblée, est ainsi favorable à la suppression conjointe du bouclier fiscal et de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). "Le bouclier est devenu emblématique d'une certaine forme d'injustice fiscale", estime-t-il.
Même sentiment pour le président PS de la commission des Finances de l'Assemblée, Jérôme Cahuzac: "C'est un échec coûteux, 700 millions d'euros par an, car il ne protège pas le travail mais la rente, et personne n'est revenu de l'étranger grâce à lui".
Dans son projet de réforme des retraites, le gouvernement a écorné le symbole à la marge, en annonçant que les surtaxes sur les plus hauts revenus ne seraient pas protégées par le bouclier. Et l'Elysée envisage désormais d'inciter les bénéficiaires à investir les sommes reversées par l'Etat dans les petites et moyennes entreprises.
"Mais il n'est pas question pour le gouvernement de renoncer au principe du bouclier fiscal", a prévenu mercredi la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.